Une journée dans la peau d’un journaliste : le concours Chasseurs d’Actu !

Dans les Alpes-Maritimes, les professeurs documentalistes du bassin Nice est ont lancé un concours, « Chasseurs d’Actu », pour les collégiens et lycéens. Celui-ci se déroule dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias à l’école. Un jury de journalistes est constitué pour élire les meilleurs sujets par genre journalistique et par catégorie d’âge.


Le concours « Chasseurs d’Actu » s’adresse aux élèves des collèges et des lycées du bassin Nice-Est. Il a pour cadre la Semaine de la presse et des médias dans l’école  dont le thème pour l’édition 2022 est « S’informer pour comprendre le monde ».
Les établissements participants inscrivent une classe ou un atelier d’élèves : atelier journal, classe médias, groupe d’élèves volontaires constitué pour l’occasion. Ces « rédactions » d’un jour s’affronteront tout au long d’une journée dans la réalisation de productions journalistiques. Les élèves concourent dans des catégories différentes selon leurs niveaux : 6e-5e Chasseurs en herbe ; 4e Chasseurs confirmés ; 3e-2de Chasseurs experts.
Dans les établissements, le concours est porté par un binôme composé du professeur-documentaliste et d’un enseignant d’une autre discipline au choix, le plus souvent un professeur de Lettres ou d’Histoire-Géographie, mais l’ensemble des professeurs peut contribuer, selon sa discipline et ses compétences.
Ainsi, par exemple, le professeur d’Arts plastiques peut intervenir pour encadrer les élèves dans la réalisation des dessins de presse ou encore des reportages photographiques, les professeurs de sciences (SVT, Physique-Chimie) pourront apporter leur expertise pour la rédaction des articles scientifiques, les professeurs de technologie aideront au montage des reportages. L’aide de tous les autres enseignants est précieuse pour les élèves, ne serait-ce que pour les conseiller et les encourager à un moment de la journée ou encore pour encadrer à des petits groupes d’élèves qui voudraient partir en reportage sur le terrain.

Dessin de presse proposé par Ryan lors de l’édition 2019

Un prix par genre

Concrètement, tout au long de la journée du concours, les élèves, préparés en amont par leurs professeurs, devront produire des contenus journalistiques sur des sujets d’actualité récents. Ces sujets appartiennent à de grandes rubriques : Société, International, Culture, Sport, etc. Pour chaque sujet, il sera demandé aux élèves de réaliser des productions dans des genres journalistiques différents : filet, synthèse, portrait, interview, critique, reportage (texte, photo ou vidéo), dessin de presse ou caricature.
Les élèves, organisés en petits groupes (quatre maximum), définissent le genre qui leur semble le plus approprié pour traiter le sujet choisi.
Toutes les productions doivent être terminées à 16 heures, excepté les reportages vidéo pour lesquels les élèves disposeront d’un peu plus de temps pour finaliser le montage.
L’ensemble des productions sera mis en ligne sur le site dédié créé pour l’occasion par le CLÉMI de Nice.
La meilleure production dans chaque genre journalistique et dans chaque catégorie d’âge sera récompensée par le jury. Trois prix spéciaux complètent les prix : le coup de cœur de la marraine et le prix du meilleur article scientifique (décerné par Guillaume Josse, le créateur de Futura).
Parmi les prolongements possibles, les productions réalisées par les élèves lors du concours peuvent, en outre, être utilisées pour enrichir un média scolaire existant (journal papier ou en ligne), ou encore être réunis et imprimés dans un numéro unique qui valorisera leur travail.
L’action peut se décomposer en quatre phases :

  • Phase 1 : création des ressources et choix des sujets

Le choix des sujets est déterminé lors des réunions de bassin par l’ensemble des professeurs documentalistes.
L’ensemble des ressources créées par les professeurs documentalistes est mis en commun dans un espace partagé en ligne (padlet), constituant ainsi une banque de ressources et de données utile également à ceux ne participant pas au projet et utilisables pour tous autres projets d’ÉMI.

  • Phase 2 : préparation des élèves

La journée du concours n’est que la face émergée de l’iceberg. Il faut souligner l’importance du travail préparatoire mené en amont, travail qui bien souvent, et malheureusement, est difficile à mener correctement par manque de temps et de moyens alloués aux professeurs documentalistes – entre autres – pour l’enseignement de l’ÉMI (et des compétences info-documentaires).
L’éducation aux médias est l’un des deux piliers du Parcours citoyen, mais, contrairement à l’éducation morale et civique (ÉMC), il n’a pas de programme fixe ni d’heures d’enseignement dévolues. Les professeurs documentalistes, de par leur formation et leurs missions, seraient pourtant parfaitement à même de prendre en charge une partie de cet enseignement, qui n’est croisé que trop brièvement au collège et au lycée et est pourtant fondamental dans la formation du citoyen.
A minima seront abordés avec les élèves les différents genres journalistiques, les règles de l’écriture journalistique et les éléments de la construction d’un article, la notion d’angle, ainsi que la diversification et le recoupement des sources.

  • Phase 3 : journée du concours « Chasseurs d’Actu »

Le jour du concours, journée banalisée pour les élèves participants, tous se retrouvent à 9 heures et découvre la vidéo de la journaliste marraine de l’opération qui annonce le début du concours, donner les sujets et prodiguer quelques conseils.
16 heures : fin du concours. Les productions sont mises en ligne sur le site dédié.

  • Phase 4 : remise des prix

Les productions sont soumises au jury.
Fin mai-début juin, le jury et les élèves de tous les établissements sont rassemblés pour assister à la projection des reportages photographiques et vidéos. À l’issue des projections, le palmarès est dévoilé et les prix sont décernés.
Dès la première édition, le Conseil départemental des Alpes-Maritimes, sollicité par les professeurs documentalistes, a répondu présent et s’est porté volontaire pour subventionner le projet, permettant ainsi à tous les élèves lauréats de recevoir des prix. Un soutien qui, depuis lors, est réitéré chaque année. Depuis l’édition 2021, L’école des Loisirs offre également des livres en récompense aux lauréats.

Une initiative des professeurs documentalistes de Nice Est

Le projet du concours « Chasseurs d’Actu » est né lors des réunions des professeurs documentalistes de Nice Est. L’idée était de mettre en place un projet de travail thématique à long terme impliquant l’ensemble des établissements du bassin ainsi que des acteurs locaux externes à l’Éducation nationale (médias locaux, journalistes, École du journalisme de Nice). C’est tout naturellement que le choix s’est porté sur un projet centré sur l’éducation aux médias et à l’information. En effet, pour les professeurs documentalistes, l’enseignement des compétences info-documentaires est au cœur des préoccupations. La première mission du professeur documentaliste, telle que définie dans la circulaire n° 2017-051 du 28-3-2017 publiée au BO 13 du 30 mars 2017 est celle « d’enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias ».
Rendre les élèves producteurs, créateurs d’information, c’est leur permettre d’être plus à même de comprendre et critiquer (pour rappel, les trois piliers de l’ÉMI sont : comprendre / critiquer / créer), c’est le plus sûr moyen de développer leur esprit critique, en leur offrant la possibilité de chercher la bonne information, de trouver les bonnes sources et d’apprendre à recouper les informations. Les élèves doivent absolument apprendre à s’informer pour appréhender le monde qui les entoure et devenir les citoyens responsables de demain.
Au cycle 4, l’ÉMI a pour objectif « de faire accéder les élèves à une compréhension des médias, des réseaux et des phénomènes informationnels dans toutes leurs dimensions : économique, sociétale, technique, éthique. Les élèves sont formés à une lecture critique et distanciée des contenus et des formes médiatiques. Ils sont incités à s’informer suffisamment, notamment par une lecture régulière de la presse en français et en langues vivantes, ainsi qu’à produire et diffuser eux-mêmes de l’information ».
Ce projet trouve sa concrétisation dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias à l’École (porté par le CLEMI) dont il devient un temps fort pour les élèves participants.

Pour en savoir sur l’édition précédente, connaître le ressenti du jury et des élèves des interviews sont à écouter ici sur le site de ligne16.net, média partenaire depuis la création du concours.

Un projet d’éducation aux médias et à l’information

L’enjeu principal de ce concours est donc d’aborder l’information sous toutes ses formes, de façon critique et réfléchie.
Pour les élèves, les objectifs sont multiples et recoupent en partie les compétences d’ÉMI du cycle 4. Parmi ces compétences :

  • Connaître le fonctionnement du monde médiatique et les processus de construction de l’information ;
  • Découvrir les enjeux de l’information scientifique ;
  • Développer l’esprit critique vis-à-vis de l’information ;
  • Savoir chercher l’information ;
  • Savoir s’informer et savoir informer ;
  • Connaître et distinguer les différents genres journalistiques ;
  • Connaître les éléments de la construction d’un article ;
  • Comprendre l’importance de la diversification et du recoupement des sources ;
  • Distinguer objectivité et subjectivité ;
  • Distinguer information et fait brut, information et anecdote ;
  • Réfléchir à des questions de société ;
  • Savoir travailler en groupe : planifier les tâches, répartir les rôles ;
  • Savoir travailler dans un délai imparti ;
  • Développer le sentiment d’appartenance à un groupe ;
  • S’ouvrir sur le monde.

Plus particulièrement le but de ce concours est de permettre aux élèves de s’interroger sur leur environnement proche, ils doivent aller à la rencontre de personnalités et d’acteurs locaux pour les solliciter notamment au travers d’interviews ou de portraits et pour traiter de sujets d’actualité locale comme, par exemple, la construction de la nouvelle ligne de tramway par la Métropole Nice Cote d’Azur. Lors de la 1re édition, Noëlle Perna, alias Mado la Niçoise ayant ainsi été contactée par les élèves d’un établissement pour une interview.
Tout au long de la journée, les élèves, dans la peau de journalistes en herbe, investissent les lieux de leur établissement, partent en reportage, réalisent des micro-trottoirs, mènent des enquêtes ou des interviews selon les besoins du sujet, travaillent en équipe : ils découvrent la multitude de métiers que recouvrent le terme de « journaliste » (preneur de son, caméraman, monteur, dessinateur, etc.)
Lors de cette journée, ils appréhendent les questions centrales du « choix » et de la « «hiérarchie » qui se pose à tout journaliste : « Parmi les sujets proposés, lequel vais-je traiter ? Sous quel angle vais-je l’aborder ? Parmi les témoignages récoltés, lesquels garder ? » Car le journalisme est bien un métier de choix et de tri : sur les réseaux sociaux, information, publicité, infox et théorie du complot sont diffusés uniformément et apparaissent sur un même plan, c’est au journaliste de classer, de faire le tri.
Les élèves « touchent également du doigt » l’idée que le journaliste n’est plus celui qui détient et diffuse l’information, mais celui qui la vérifie.
En outre, en participant à cette action, les élèves travaillent des composantes du Parcours Citoyen.
Parallèlement, ce projet entend favoriser les échanges et la mutualisation entre les professeurs-documentalistes du bassin autour d’un projet fédérateur. C’est également l’occasion de renforcer le partenariat inter-établissements et de développer ou de créer des partenariats extérieurs aux établissements. De plus chez les élèves cette action participe à la « fabrique du commun » en développant un sentiment d’appartenance à un groupe de travail et par extension à un établissement.

Un jury constitué de professeurs et de journalistes

 Des journalistes des médias locaux (Nice-MatinFrance 3 Cote d’AzurFrance Bleu AzurLigne16.net) mais pas seulement (MeltingbookFutura, L’École des lettres) ont chaque année accepté de participer au jury du concours. Leurs retours sur les productions des élèves sont très encourageants et stimulants pour les jeunes rédacteurs.
Cette année, la marraine du concours est Sandra Laffont qui est journaliste pour l’AFP et co-fondatrice de l’association d’éducation aux médias « Entre les lignes », elle sera présente lors de la remise des prix à l’occasion de laquelle elle échangera avec les élèves.
Nouveauté depuis l’édition 2021 : un prix du meilleur article scientifique est décerné par le journaliste et fondateur de Futura, Guillaume Josse. Dans le contexte de la crise sanitaire, il apparaît primordial d’apprendre aux élèves à se saisir de l’information à caractère scientifique. Les meilleurs articles scientifiques pourront être publiés sur le site de Futura.

« Tout d’un coup, le sujet prend forme ! »

 Le concours Chasseurs d’Actu a connu trois éditions (2018, 2019, l’édition 2020 ayant été annulée en raison du confinement et 2021), le bilan est très positif, les retours tant du côté des enseignants que des élèves impliqués sont motivants. Ce projet suscite beaucoup d’enthousiasme chez les élèves, qui se sont pleinement investis et ont joué le jeu : « Au début j’étais vraiment stressée, j’avais l’impression que je n’y arriverais pas, je pensais que ça allait être nul, finalement j’ai réussi et j’espère pouvoir recommencer l’année prochaine ! », a commenté une participante. Un autre : « C’était trop stressant de choisir quel sujet traiter et de quelle manière, on voyait le temps tourner et on avançait pas et puis tout d’un coup, ça prend forme et on a même eu le temps de faire deux autres sujets ! »
« Le concours permet de mettre parfaitement en pratique tout ce qui est vu dans le cadre de la séquence “Informer, S’informer, Déforme”au programme en 4etémoigne une enseignante de Lettres modernes qui participe au projet chaque année avec une classe de ce niveau. Les élèves développent en plus leur esprit critique de manière concrète en constituant une rédaction. Ils apprennent à écrire pour autrui (autre que leur professeur), ils s’essaient à différents types d’écriture, de la plus succincte mais claire à la plus détaillée, sur différents sujets autres que littéraires. »
Lors de la première édition du concours, Christophe Cirone, membre de la réserve citoyenne et journaliste à Nice Matin avait passé la matinée avec les élèves de l’un des établissements participants, pour les guider, les conseiller sur un titre ou sur le choix de l’angle d’approche. Des échanges de cette nature sont à privilégier et recherchés pour la suite du projet.
De même, il est envisagé de proposer un partenariat à l’école de journalisme de Nice, qui pourrait, par exemple, prendre la forme de la présence d’un étudiant dans chaque rédaction d’établissement le jour du concours.

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