Voici une liste de questions sur la figuration et l’image basée sur les questionnements plasticiens :
– Comment les espaces narratifs contribuent-ils à la construction de l’image figurative ?
Les espaces narratifs contribuent à la construction de l’image figurative de plusieurs manières :
– Ils sont composés d’éléments figuratifs organisés dans un espace bidimensionnel pour raconter un récit réel ou imaginaire
– Ils s’appuient sur différents dispositifs de narration :
– Les séquences visuelles
– Les polyptyques
– Les installations
– L’inscription dans l’espace architectural
– Ils intègrent plusieurs dimensions temporelles et spatiales :
– Le temps et le mouvement réels ou suggérés
– Le temps de la production
– Le temps de la présentation
– Le temps de la réception
– Le mouvement du spectateur
– Ils se construisent à travers différents espaces propres à l’image :
– Le format
– L’espace déterminé par les appareils de prise de vue
– Les espaces contenus par l’image elle-même
Ces espaces narratifs permettent ainsi d’établir des dialogues entre l’image et son support, mais aussi avec l’écrit et l’oral, créant des interactions variées selon les supports et les lieux
Plusieurs artistes importants ont exploré la question des espaces narratifs dans la construction de l’image figurative :
– Les artistes de la Figuration narrative, notamment :
– Hervé Télémaque
– Bernard Rancillac
– Erró
– Jacques Monory
– Peter Klasen
– Valerio Adami
– Jan Voss
Ces artistes ont développé des approches particulières comme :
– Les relations entre objet réel et image peinte (Télémaque, Klasen)
– La fragmentation de la toile sur le mur (Monory, Rancillac), utilisée pour accentuer le climat psychologique de la composition
Leur travail se caractérise par une réflexion sur les relations entre la mémoire et l’image, exprimant la compénétration du réel et de la pensée. Ils ont établi un système cohérent de signes permettant de multiples développements, montrant un sens précis du développement analogique de l’image
– Quelles sont les relations entre l’image et son support, l’écrit et l’oral ?
Les relations entre l’image et son support, l’écrit et l’oral se manifestent de plusieurs manières :
– Diversité des supports et inscription dans le lieu : l’image établit des interactions variables avec différents supports et s’inscrit dans des espaces spécifiques
– Interactions avec les énoncés écrits et oraux : l’image peut dialoguer plus ou moins intensément avec des textes ou des expressions orales
Ces relations évoluent à travers différents dispositifs :
– De la tradition à la modernité : depuis la fresque et le polyptyque jusqu’aux dispositifs multimédias et l’inscription dans l’espace architectural
Dans l’art contemporain, ces relations sont devenues plus complexes :
– L’écriture et la photographie prennent une place croissante dans la pratique artistique, parfois jusqu’à transformer le message initial de l’œuvre
Cette interaction ne crée pas nécessairement un antagonisme, mais peut aboutir à une « osmose totale » enrichissant le questionnement artistique.
Plusieurs artistes importants ont exploré les relations entre l’image, son support, l’écrit et l’oral :
– Marcel Broodthaers avec ses poèmes plastiques et Cy Twombly avec ses toiles envahies de gribouillis ont questionné la frontière entre langage dicible et visible
– Gary Hill a travaillé sur l’interaction entre textes littéraires et images, notamment en utilisant des textes de Maurice Blanchot et Jacques Derrida dans ses installations vidéo
– Jean-Luc Godard, dans son « Histoire(s) du cinéma » (1989), et Chantal Akerman avec « Letters Home » (1986) ont exploré les différences et recoupements entre écriture et image
– Dans les années 60, Roy Lichtenstein a intégré phylactères et onomatopées qui se libèrent de leur fonction narrative, tandis que Robert Combas et Hervé Di Rosa, dans les années 80, ont incorporé des textes pour mettre en évidence le rapport entre image et environnement verbal
Dans l’art contemporain, ces relations sont devenues plus complexes, avec des artistes comme Dieter Roth et Marcel Broodthaers qui ont traité le livre en tant qu’objet plastique, jouant sur l’aspect hybride de ce support
– Comment le temps et le mouvement s’inscrivent-ils dans la narration figurée ?
Le temps et le mouvement s’inscrivent dans la narration figurée de plusieurs manières :
– À travers différentes temporalités :
– Le temps et le mouvement réels ou suggérés
– Le temps de la production
– Le temps de la présentation
– Le temps de la réception
– L’éphémère
– Le mouvement du spectateur
– Par des dispositifs narratifs spécifiques :
– L’ellipse
– La condensation
– La séquentialité
– Par des dispositifs de représentation :
– Les dispositifs séquentiels
– La simultanéité
– L’enchaînement
– Le temps représenté ou ressenti
La représentation du temps dans une narration figurée nécessite un parcours du regard : même dans une représentation spatiale d’événements successifs (comme les vitraux d’une cathédrale), c’est la succession et le parcours des images qui constituent le récit
Cette temporalité peut être traitée de différentes manières, notamment à travers des séquences narratives où le temps peut être condensé, dilaté ou fragmenté selon les besoins de la narration
Plusieurs artistes majeurs ont exploré la question du temps et du mouvement dans leur création :
– Les précurseurs du début du XXe siècle :
– Edgar Degas et Auguste Rodin qui ont travaillé sur la dynamique du corps
– Etienne-Jules Marey et Eadweard Muybridge qui ont utilisé la chronophotographie pour décomposer le mouvement
– Les artistes du mouvement cinétique :
– Jean Tinguely avec ses sculptures motorisées
– Nicolas Schöffer qui a combiné cybernétique, couleur et lumière
– Takis qui a introduit l’élément magnétique
– Pol Bury avec ses mouvements quasi imperceptibles
– Les artistes de l’art optique et du mouvement :
– Victor Vasarely, pionnier des variations optiques
– Agam, Carlos Cruz-Diez, Rafaël Soto et Luis Tomasello qui ont travaillé sur le mouvement virtuel par illusion optique
Cette exploration du mouvement s’est poursuivie avec des artistes contemporains comme Rebecca Horn et Liliane Lijn, qui ont fusionné l’esthétique cinétique avec d’autres approches comme le féminisme et l’interaction avec le spectateur
– Quelles sont les différentes rhétoriques de l’image figurative (symbolisation, allégorie, métaphore) ?
Les différentes rhétoriques de l’image figurative comprennent plusieurs procédés :
– L’allégorie : Représentation d’une idée abstraite sous un aspect corporel. C’est souvent une personnification, mais pas nécessairement anthropomorphe. L’être allégorique n’est pas un simple signe, il est l’idée elle-même revêtue d’un aspect matériel
– La métaphore et la métonymie :
– La métaphore joue sur les rapports de comparaison et d’analogie, établissant un transfert de sens entre concret et abstrait
– La métonymie se manifeste quand une partie représente le tout, notamment dans le cadrage qui fractionne le monde
– La symbolisation : Elle se distingue de l’allégorie en ce que le sens profond est plutôt entrevu, et que la représentation concrète ne l’épuise pas totalement. Le symbole implique un travail vivant de la pensée
Ces procédés rhétoriques sont particulièrement utilisés dans l’image publicitaire pour convaincre le destinataire par la séduction, utilisant des détours ludiques ou esthétiques
Plusieurs artistes importants ont travaillé sur les rhétoriques de l’image figurative :
– Les artistes classiques :
– Rubens, avec ses allégories dans la Galerie de Médicis
– Titien, notamment avec son œuvre « L’Amour sacré et l’Amour profane »
– Les artistes du XIXe siècle :
– Prud’hon avec « La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime », qui utilise des personnifications allégoriques
– Delacroix, qui a peint « La Liberté guidant le peuple », une allégorie plus simple et directe
– Les artistes modernes et contemporains :
– Bronzino, qui a représenté Andrea Doria en Neptune (allégorie personnifiée)
– Dürer, qui a peint Lucas Paumgartner en Saint Georges
– Reynolds, qui a représenté Mrs. Stanhope en « Contemplation »
Ces artistes ont utilisé différentes approches de l’allégorie, allant de la composition pure (où tous les éléments sont allégoriques) à la composition mixte (mêlant personnages réels et figures allégoriques)
Plusieurs artistes contemporains explorent les rhétoriques de l’image figurative de différentes manières :
– À travers la théâtralisation de l’image :
– Dominique Gonzalez-Foerster, Yinka Shonibare et Loris Gréaud créent des images performatives où l’image devient un monde accessible au spectateur
– James Turrell et Chiharu Shiota travaillent sur la mise en scène de l’image
– Par l’exploration de formes rudimentaires entre abstraction et figuration :
– Gedi Sibony, Gyan Panchal et Katinka Bock explorent la dimension allégorique
– Tris Vonna-Michell, Mai-Thu Perret et Ryan Gander réinvestissent l’essentialisme conceptuel avec une dimension narrative
– Par l’appropriation et la manipulation d’images :
– John Currin et Glenn Brown développent une peinture figurative néoconceptuelle
– Markus Schinwald, Philippe Bradshaw et Laurent Grasso transforment des images historiques par hybridation et déformation
Ces artistes contemporains exploitent la vulnérabilité et la polysémie de l’image, créant de nouvelles procédures de représentation qui confrontent l’image à ses propres limites
– Comment s’opère le passage de la figuration à la non-figuration ?
Le passage de la figuration à la non-figuration s’opère à travers plusieurs processus :
– La perte ou l’absence du référent, qui mène à l’affirmation et la reconnaissance de l’abstraction
Ce passage peut se manifester de différentes manières :
– Par les systèmes plastiques non figuratifs qui utilisent :
– La couleur
– L’outil
– La trace
– Le rythme
– Le signe
– Par des processus fondés sur les constituants de l’œuvre :
– L’autonomie de la forme plastique
– Les combinaisons géométriques
– Les approches gestuelles et organiques
– Par la tension entre la sensation (la matière) et la représentation (ligne ou figure), comme on peut l’observer dans l’art moderne et contemporain à travers le processus de dé-figuration
Cette transformation peut aussi passer par la déconstruction et la déstructuration de la figure, comme chez Francis Bacon où la figure devient « une figuration comme abstraite, désincarnée et coupée de ce qui pourrait encore la relier à l’ordre de l’anecdote, du sens ou de la narration »
Plusieurs artistes importants ont exploré cette transition entre figuration et non-figuration :
– Picasso, dont l’œuvre montre une tension constante entre la figure et le signifiant-ligne, avec une matière qui se trouve allégée et absorbée par la figure
– Francis Bacon, qui crée une « figuration comme abstraite » à travers ses figures déployées dans l’univers du pur figural (lignes, plans, aplats, volumes)
– Dans les années d’avant-guerre, plusieurs artistes ont évolué vers la non-figuration depuis différentes approches :
– Kandinsky, à partir d’une conception expressionniste de la couleur
– Fernand Léger, Mondrian, Delaunay et Picabia, qui sont passés à l’abstraction à partir du cubisme
– Des artistes contemporains comme Gedi Sibony, Gyan Panchal et Katinka Bock explorent la dimension allégorique de formes rudimentaires situées entre abstraction et figuration
Cette transition s’opère souvent par la perte ou l’absence du référent, et l’affirmation progressive de l’abstraction
– Quels sont les systèmes plastiques non figuratifs (couleur, trace, rythme, signe) ?
– Comment les dispositifs de narration figurée ont-ils évolué de la fresque aux multimédias ?
– Quel est le rôle du format et de l’espace dans la construction de l’image figurative ?
– Comment les questions éthiques influencent-elles la représentation figurative (stéréotypes, tabous) ?
– Comment les dispositifs narratifs structurent-ils le récit visuel (ellipse, condensation, séquentialité) ?