Dans le cadre du Printemps des poètes 2020 : écrire le courage !, Marilyne Bertoncini propose d’accompagner votre création en vous proposant cette petite fabrique, ce petit atelier de poésie.
Rien que pour vous…

Marilyne Bertoncini  :

” Pour que chacun écrive sur ce thème du courage, je vous propose d’écrire à partir de diverses contraintes : nous allons commencer par une contrainte formelle, disloquer le mot courage, à laquelle nous en ajouterons d’autres, au fur et à mesure,  comme changer de sujet, car tout acte d’écriture demande du courage, ou encore éprouver le courage d’écrire l’absence.

Cette première contrainte, disloquer le mot courage,
c’est commencer le poème par COUR pour le finir par AGE,
c’est commencer le poème par COU pour le finir par RAGE,
Et relier ces deux nouveaux mots par un poème qui “répare” la coupure
à la façon de Raymond Roussel (Comment j’ai écrit certains de mes livres).

Poème 1
Cours, ici la fuite n’est pas lâcheté
Sans un regard en arrière, sans ralentir un seul instant
Cours, les lignes ne sont que mouvement
Cours, lumière diffuse à travers les espaces, les identités, les temps
Je ne m’arrête pas pour contempler ce que je fus
Les souvenirs sont mensonges
Le passé n’est que fiction
Pas de complaisance envers l’hier, pas de confort douillet et nostalgique
Des albums photos usés
Cours vers ce qui attend encore de naître
Cours vers ce que tu seras
Dans ton dernier âge

Son laboratoire
Je suis parti de l’idée de la course, du mouvement, et je voulais aller à contre courant de l’idée de prendre son temps pour respirer les fleurs. 
J’ai aussi voulu envisager la fuite comme acte de courage. 
Enfin, j’ai repensé au livre Légendes de  Martin Winckler qui développe l’idée que notre passé n’est fait que des histoires qu’on nous a racontées sur nous ou sur le monde et des histoires que nous racontons aux autres ou à nous-mêmes. 

Poème 2
« Cours enfant de la nuit
 Plein de magie
 Pense à toutes ces images
 Qui te font prendre de l’âge. »

Son laboratoire
une contrainte supplémentaire : trouver des rimes.

Poème 3
Court le contraire de long
Long le temps qui passe
Trop courtes les joies éphémères
 
Continuer coûte que coûte
Peu importe ce que cela coûte
Les obstacles ne sont que des opportunités
Le tout n’est-il pas d’arriver à bon port ?
 
Porter le poids des ans
N’est pas forcément difficile
Les difficultés ne sont que des challenges à relever
En vérité
Juste lever le voile sur ce qu’il faut apprendre
 
L’apprentissage des choses de la vie
Se fait avec le Cœur, le Corps et l’Esprit
Souffle de vie, Esprit singulier
Quel que soit ton âge
Tu arriveras à aller là où tu veux
            COURAGE !

Son laboratoire :
Trouver la 1ère phrase qui permet que les autres phrases coulent, se déroulent l’une après l’autre,
Utiliser des assonances, des résonnances. Les noms, les verbes et les adjectifs rebondissent, ricochent entre eux.
Les ricochets sont de plus en plus nombreux comme le courage qui s’amplifie au fur et à mesure du temps qui passe. Ceci se traduit par des strophes de plus en plus longues.

Poème 4 
COU coupé, Soleil, à l’orée de l’horizon
Où la paupière s’ennuage,
Ultime rive du sommeil,
Ronge mon âme sans courage
Au rythme lent de la marée –
Grève où le temps abandonné
Echoue plus vite que ma RAGE

Son laboratoire
2 contraintes  supplémentaires :
La coupure m’a amenée à penser à « Soleil, cou coupé » d’Apollinaire – ce qui m’a « bloquée » plus qu’autre chose (j’ai eu « Zone » en tête !)
J’ai donc choisi de m’ajouter un deuxième contrainte : écrire un acrostiche sur le mot
 « courage »
La troisième contrainte s’est imposée en cours d’écriture : scinder le poème lui-même avec un vers contenant le mot « courage » lui-même au 4ème vers.

Poème 5

Cours : faire court !

Effort coûteux pour qu’ils t’écoutent, eux…

Tu couds des mots, tu en découds

Courage, fuyons !

Lignes de fuite,

Horizon, horrible zone

Défait la rage

De tous les âges.

 

Son laboratoire : J’ai procédé de la façon suivante : 

  1. carte mentale ; 
  2. création par association d’idées avec recherche de jeux de mots (goût familial devenu personnel… accommodé via le modèle du « Glossaire : j’y serre ma glose » de Michel Leiris).

Voici le résultat (de la fin duquel je ne suis pas satisfait mais je ne l’ai pas encore retouchée – et peut-être ne le ferai-je jamais) :

Et un deuxième poème : numéro 5 bis

Cou, beau cou d’ébène –

Aubaine !

Mais oserai-je,

Malgré mon âge,

Risquer le coup,

Tenter l’orage ?

 

 

Numéro 6

 

cou leur

  coulure

     coulant, coulée,

          coulage, collage, coulisse, corps sage

           cou joli

 

                courage

 

 

Son laboratoire : Courage, définition déclinée/dégoûlinée en 12 mots, on joue sur la substitution (ou comme le dirait un structuraliste dans une clarté inimitable  : on projette l’axe du paradigme sur l’axe du syntagme !!!)

 

Numéro 7

Cou douzième coup de minuit

Nuit blanche 

Blanche comme neige

Cendrillon a croqué le fruit amer

Une belle au bois dormant

Ancrée à son propre sort

Comme un bateau usé 

Qui ne sort du port

Une peau d’âne 

Princesse le jour 

Esclave la nuit 

Ses pantoufles de verre maudit 

Cendrillon revient à son taudis 

Les murs témoins de son étreinte

Éteint sa volonté de vivre 

Un bruit, un cri court dans la nuit 

Un tunnel sans fin 

Des coups naissent la rage 

La rage de survivre

Sortir de sa cage 

Courage 

 

 

 

Son laboratoire : j’ai procédé, en coupant syllabiquement Cou Rage.

Cou m’a fait penser aux coups de minuit, les coups de minuit à Cendrillon  et cela s’est enchaîné. J’ai voulu aussi faire apparaître différentes princesse de contes de fées, j’ai fait une liste et je les ai placés.

 

 

 

 

 

Numéro 8

 

Cours au combat, sois là.

Ou prépare-toi au voyage

Un voyage empli de dangers.

Ruser ce n’est pas affronter

Agis avec sagesse, et engage-toi

Généreux, pas de courage sans cœur

Et puis après ? Rage…

 

Son laboratoire : j’ai choisi l’acrostiche, avec aussi “cour-rage” pour encadrer le poème. Et j’avais aussi listé des mots qui rimaient avec “courage”

 

 

Numéro 9

Coup

Court

Hourra

Rat

Rage

Age

Je

 Son laboratoire : Concernant mon poème le 1er était décomposition , j’ai fait en sorte de scinder le mot courage et d’en faire une liste :

 

Le courage c’est …

S’exprimer devant une assemblée

Le courage c’est…

Aller au bout de sa lancée

Le courage c’est …

De ne jamais en manquer

Son laboratoire : jouer de la répétition

Numéro 10

Cou à briser, 

à étrangler, 

contraintes de pacotille, 

j’ai pas les couilles de …alors je repars sur l’autre thème. 

Ecrire l’absence a-t-il davantage de sens? 

Je te pense sans te nommer. 

Une mèche obscurcit l’espace d’un instant ton regard indigo, 

parasol de nos âmes, 

parabole de nos ombres.

Mon cœur

devant cet univers borné d’un œil unique 

car tu n’avais pas l’âge

carillonne de rage.

 

Son laboratoire : la méthode est indiquée dans les vers 1 à 5.

 

 

Numéro 11

Couds ça 

Ou couci- couça 

Rapièce rafistole raccroche

Et dépouille dérive dézingue

Renonce à tes ratures

Les mots se délitent

Et ton cri se délie avec rage

 

Numéro 12

COU tendu comme un cygne,

Des cris dans la cuisine.

A travers la porte entr’ouverte,

Il se hasarde. Il regarde.

Il se hasaRde. Il Regarde. R. Erre.

Il met un pied dans la porte, immense et sombre telle une arche.

Il avance et entre dans l’antre, comme une ombre sombre et sans AGE.

 

 

Son laboratoire : triple contrainte

  1. Découper le mot courage en trois: COU + R + AGE, relier le début le milieu et la fin.
  2. Intégrer en modifiant le poème suivant:

“Il profite d’un instant

Où la porte s’est ouverte

Il se hasarde. Il regarde.
Il met un pied dans le temps”

Jules Romain

  1. Comme dans certains Haikus, utilisez COMME de la façon la plus arbitraire ou la plus saugrenue possible.

 

 

 

Deuxième version :

COU tendu, blanc, long et fin, comme un cygne,

L’enfant écoute, immobile, les sons, les bruits, les voix, les cris dans la cuisine.

Il jette un oeil curieux, peureux, à travers la porte entr’ouverte,

Il a peur. Il se hasarde. Il regarde.

Il se hasaRde. Il Regarde. R. Son regard erre.

Il met un minuscule pied dans la porte, immense et sombre telle une arche.

Il avance, prend son courage entre ses mains et entre dans l’antre, comme une ombre sombre et sans AGE.

 

 

Numéro 13 :

COUR

Autre temps, autre mœurs ?

Faire la cour ? Parler d’amour ?

Pas simple …mais a pas peur !

Euh ! si !

Sortir de soi : pourquoi ?

J’aime ma solitude !

Que nenni …

Certitude, NON servitude que mon sentiment de finitude

Il me pousse à partir, à me quitter

Je cours vers toi, je crie vers toi

Faire la cour ?

            C’est toujours de mon âge !

                        C’est toujours de ton âge !

 

Son laboratoire : je n’avais pas du tout l’intention d’écrire un poème d’amour, mais je suis partie des différents mots renvoyant aux sonorités du mot COUR, la cour de récré, le cours, court le contraire de long…aucun de ces mots m’inspirait quand m’est apparue l’expression faire la cour.

 

 

 

 

 

 

 

Numéro 14

Éviter les coups, porter les coups

Prendre ses jambes à son cou

Coût de se montrer

Regard des autres qui portent des coups

Coups qui coupent le cou

Couper l’élan

C’est un peu court

Coudre des mots

Suivre le cours de ses envies

Poursuivre le cours de sa vie

 

Il n’y a pas d’âge

Pour avoir toujours une rage

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Sortir de sa cage

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Courage