Les mains heureuses
Les mains heureuses sont mains portées d’impossibles saisies en saisies impossibles. Mains déportées au-devant d’elles-mêmes. Mains qui marchent.
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Les mains qui dessinent, peignent, écrivent sont mains heureuses quand elles sont mains qui vont, solitaires, comme le géant Orion s’en va, aveugle, dans le vide, à tâtons, vers le matin. Tout indique qu’il échouera puisqu’à mesure que le soleil se lève les étoiles qui dessinent son corps de géant pâlissent et s’effacent. Tout nous dit que sa fabuleuse silhouette va s’estomper peu à peu jusqu’à disparaître dans le ciel d’aurore.
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Orion pourtant comme les mains heureuses ne sauraient s’en émouvoir, le temps n’est pas la marque de notre impuissance mais le signe de notre liberté. Loin de nous défaire, il nous rend à nos pouvoirs, et nous porte.
( Extrait de Les mains heureuses , à paraître aux éditions La Passe du vent )
Dire Non
non
c’est la voix première
farouche
sous cette pluie
qui glace le monde
voix d’avant
celle de la cambrure
de qui se tient
mains chaudes
sur le vide
là où
le ciel ne connaît pas
sa couleur d’orage
ni l’homme
son ombre
que déchiquette
l’angle du mur
de l’impasse
où il chancelle
non
ce vent souterrain
aux souffles retenus
non
ce chemin
où sous les mains
s’animent les grains
et fusent leurs chutes vives
non
cette levée d’inconnu
où la suspendue
prend visage
où la flottante
arrache les présents
au point mort du silence
cette noise du monde
où brûlent les mots
des hommes
non
encore et toujours
pour que respire
dans les fièvres de la parole
insurgé
le cœur
Alain Freixe
(paru dans Dans les ramas, l’Amourier, collection Grammages, 2007)