Les mains heureuses

 

 

 

Les mains heureuses sont mains portées d’impossibles saisies en saisies impossibles. Mains déportées au-devant d’elles-mêmes. Mains qui marchent.

 

 

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Les mains qui dessinent, peignent, écrivent sont mains heureuses quand elles sont mains qui vont, solitaires, comme le géant Orion s’en va, aveugle, dans le vide, à tâtons, vers le matin. Tout indique qu’il échouera puisqu’à mesure que le soleil se lève les étoiles qui dessinent son corps de géant pâlissent et s’effacent. Tout nous dit que sa fabuleuse silhouette va s’estomper peu à peu jusqu’à disparaître dans le ciel d’aurore.

 

 

*

 

Orion pourtant comme les mains heureuses ne sauraient s’en émouvoir, le temps n’est pas la marque de notre impuissance mais le signe de notre liberté. Loin de nous défaire, il nous rend à nos pouvoirs, et nous porte.

 

 

( Extrait de Les mains heureuses , à paraître aux éditions La Passe du vent )

 

 

 

 

Dire Non

non

c’est la voix première

farouche

sous cette pluie

qui glace le monde

voix d’avant

celle de la cambrure

de qui se tient

mains chaudes

sur le vide

 

 

là où

le ciel ne connaît pas

sa couleur d’orage

ni l’homme

son ombre

que déchiquette

l’angle du mur

de l’impasse

où il chancelle

 

 

non

ce vent souterrain

aux souffles retenus

non

ce chemin

où sous les mains

s’animent les grains

et fusent leurs chutes vives

non

cette levée d’inconnu

où la suspendue

prend visage

où la flottante

arrache les présents

au point mort du silence

cette noise du monde

où brûlent les mots

des hommes

 

 

 

 

non

encore et toujours

pour que respire

dans les fièvres de la parole

insurgé

le cœur

 

Alain Freixe

(paru dans Dans les ramas, l’Amourier, collection Grammages, 2007)