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TraAM Documentation 2025

Analyser en groupe des images générées par l’IA : perspectives et obstacles

Contextualisation :

Cet article sur l’utilisation de l’intelligence artificielle régénératrice d’image est le prolongement d’une réflexion menée l’année dernière dans le cadre des TRAAM Documentation 2023-2024. Disponible ici

Nous reprendrons une partie des observations qui nous ont mené vers ce nouveau projet. Pour plus de clarté et de cohérence, nous garderons le même déroulé que l’article précédent.

Constat :

Rappel de la situation 2023-2024:

Nos élèves sont confrontés à un besoin de compétences : savoir repérer une image créée par IA.

Le trucage des images n’est pas un phénomène nouveau. Il est même apparu dès le début de la photographie. Ce qui est nouveau, c’est l’accessibilité de ces outils par des novices.

Ces outils font preuve d’une grande faculté d’adaptation et d’amélioration. En effet, ils sont sans cesse en train de progresser et arrivent à lisser les problèmes pointés par les utilisateurs grâce à un apprentissage de la machine voire un deep learning.

Pour garder une certaine cohérence dans la réflexion et essayer d’observer des phénomènes dans le même contexte technique, nous n’avons pas changé les outils utilisés dans les séances pédagogiques (Craiyon). Il s’avère que depuis l’année passée, les outils sont beaucoup plus puissants.

Postulat de la séance :

Le même que l’an passé :

Nous voulons tenter d’observer si l’intelligence collective permet de contrecarrer la puissance des IA génératrices d’images par l’analyse et le choix de critères construit par les élèves.

La nouveauté introduite cette année est de tenter de renverser l’expertise : ce n’est plus le professeur qui est l’expert du domaine mais un groupe d’élèves qui devient « ambassadeur de l’IA » et organisateurs de la plate-forme où sont publiées les images.

La plate-forme sera ouverte à tout le monde et les commentaires seront anonymes pour favoriser la participation et la spontanéité.

Contexte en milieu scolaire :

Rappel 2023-2024 :

Toute l’année, une heure par semaine, nous avions travaillé l’EMI avec des 5e SEGPA dans un dispositif de « remédiation » de français. Le dispositif pédagogique était la co-intervention avec une enseignante spécialisée.

Nous avions prévu trois séances de lancement et puis une participation perlée sur plusieurs semaines.

Nous nous sommes appuyés cette année sur ces élèves « experts » et formés sur le sujet pour alimenter et proposer aux autres classes de participer à la plate-forme en ligne. Ils sont passés en 4e 

Les productions attendues :

L’alimentation d’une plate-forme participative de vérification d’images d’actualité : 

-La quantité et la qualité des commentaires.

-L’interaction entre les arguments

-La proposition de nouvelles images pour la communauté

Objectifs d’apprentissages :

Inchangés par rapport à 2023-2024:

Disciplinaire EMI

-Aborder les connaissances sur le fonctionnement de l’IA

-Savoir se repérer dans un univers informationnel complexe (fausses informations et rumeurs)

Transversaux 

-Savoir collaborer et créer des contenus

Compétences :

Socle :

-Domaine 2 : Méthodes et outils pour apprendre / s’informer avec les algorithmes

-Domaine 3 : La formation de la personne et du citoyen / Éthique des données

-Domaine 4 : Les systèmes naturels et systèmes techniques / Connaissances techniques des nouveaux médias

CRCN :

1-1 Mener une recherche d’information

2-1 Interagir

2-2 Partager et publier

2-4  S’insérer dans un monde numérique

3-4 : Programmer (connaître les principes de l’IA)

Le tout s’inscrit dans le Parcours EMI

Prérequis :

-Maîtrise de l’architecture de l’information

-Mener une recherche d’images

-Connaissances autour de la presse (rédaction d’un journal de la classe)

Évaluation :

-Participation à la plate-forme d’évaluation des images

Scénario 1 :

Lancement :

En reprenant le Digipad créé l’année dernière, les élèves « experts » ont proposé à tous les élèves de l’établissement de participer à son alimentation de deux manières :

-Critiquer les images proposées dans le Digipad

-Proposer eux-mêmes des images à vérifier dans le Digipad

Sous forme de défis, nous avons lancé plusieurs « campagnes » de participation dans Pronote et par l’intermédiaire de l’ENT.

Déroulement :

Nous avons observé qu’après l’engouement du lancement des premières campagnes, une érosion de la participation s’est installée. De plus, les commentaires les plus nombreux étaient générés par un tout petit groupe de participants (environ cinq ou six élèves).

L’idée trouvée par les élèves « experts » fut de récompenser par des « badges » les commentaires les plus pertinents ou ceux qui étaient plus argumentés. Cela n’a pas suffit et au bout d’un mois, le Digipad n’était plus alimenté du tout…

Observations 1 :

Sur la nature des commentaires :

Nous avons pris le pari de laisser tout le monde participer et de manière anonyme au Digipad avec une modération à posteriori. Nous avons pu observer un détournement de certains utilisateurs qui déviait complètement du principe initial pour tomber dans le potache et l’espièglerie. Les modérations furent nombreuses et quasi instantanées : ce phénomène n’a duré que quelques jours…

 

De plus, l’objectif de cette plate-forme était de susciter une forme de collaboration dans les commentaires. Nous n’avons observé que des commentaires sous forme de réponses lapidaires (« c’est faux » « c’est vrai », « c’est un trucage », « on voit pas l’ombre »…) Très peu de commentaires interagissaient les uns avec les autres… à notre grand désarrois !

 

De la difficulté de créer une émulation collective sans médiation :

L’idée de départ était de créer une sorte de « Wikipédia de l’image » pour voir si l’intelligence collective permettait de contrer la puissance des IA génératrives… Cela s’est avéré n’être qu’une utopie dans le projet. Nous avons procédé à une adaptation de l’expérimentation.

Scénario 2 :

Nous avons émis l’hypothèse que le manque de médiation humaine et physique manquait à l’expérimentation. En effet, les élèves se sont vite lassés du Digipad et la modération a coupé l’élan du départ. Nous avons donc entrepris de modifier deux aspects :

-la formation des participants à travers des séances pédagogiques

-la participation d’un autre établissement scolaire (Jean Dunois dans l’académie Orléans/Tours)

 

Nous nous sommes appuyés sur la séance développée l’année dernière mais nous l’avons proposée à toutes les classes de la section SEGPA (tous les niveaux). L’objectif étant toujours de se baser sur les élèves « experts » : ils co-animaient la séance avec le professeur documentaliste.

La participation aux TRAAM a permis de mobiliser une classe dans l’académie de Tours. Nous pensions que les commentaires auraient pris une tournure plus collectif et interactive si nos élèves savaient qu’ils n’étaient plus seuls sur le projet (casser l’entre-soi).

Observations 2 :

La médiation par les pairs en classe :

Faire participer les élèves à la co-animation des séances a été un exercice périlleux. Le fait que la classe de 4e soit désignée comme « experte » a provoqué des tensions à l’intérieur des séances. Passé ce cap d’une dizaine de minutes, la coopération a pu s’installer et de réels échanges ont nourri les réflexions sur l’IA (avec des exemples plus concrets que ceux proposés par les professeurs).

La participation sur le Digipad est devenue plus constructive et plus interactive. Les arguments étaient aussi plus justifiés par des liens hypertextes qui renvoyaient vers des sources. Certains ont pu proposer des images à vérifier par la communauté du Digipad

La participation de la classe du collège Dunois :

Cette introduction de la classe d’Orléans-Tours a été bénéfique au départ. Elle a relancé le nombre de commentaires et la qualité des arguments a monté d’un cran. La modération était moins forte sur leurs posts. Par contre, avec le temps, les élèves « experts » se sont sentis mis de côté et une compétition a pris place. La dimension collaborative a disparu au profit d’une ambiance de concours (qui trouvera en premier…)

La communauté de ce Digipad existe-t-elle vraiment ? :

La médiation par des séances pédagogiques a permis de relancer le projet mais il a aussi supprimé le côté collaboratif. La spontanéité du scénario 1 était plus intense et malgré le besoin de modération important pour limiter les dérives, la collaboration semblait plus riche (même si peu présente).

Dans le scénario 2, nous avons augmenté le nombre de commentaires mais le côté scolaire est ressorti. Nous avons eu le sentiment qu’ils argumentaient et proposaient des solutions pour juste s’acquitter d’une tâche scolaire.

Prolongements

Trouver une « formule » intermédiaire entre une séance pédagogique et un espace de participation libre.

-Ne pas oublier d’observer les interactions physiques et verbales lorsqu’ils postent leurs commentaires en classe ou au CDI. Dans ce moment : on peut observer une intelligence collective et des compétences sociales fortes.

-Le Digipad a freiné l’aspect « interaction » dans les commentaires. On ne pouvait pas répondre à quelqu’un, on ajoute simplement un commentaire après l’autre. Il faudrait repenser le dispositif technique.

-Proposer un système comme le Vikidiac’EMI du CLEMI pour favoriser le dynamisme de la plateforme dans le temps

Mots-clés :

CRCN Communication et collaboration / Intelligence collective / Intelligence artificielle / CRCN Création de contenus / TraAM / culture numérique