Apprendre à travailler avec l’IA au lycée :
du "travailler à la place" au "travailler avec"
M. Briand - Lycée PM. Curie - Menton
Projet
- L’objectif est pour les élèves de passer de « l’IA fait le travail à ma place » à « l’IA m’aide dans mes apprentissages ».
- Faire évoluer les pratiques d’enseignement et d’évaluation pour l’enseignant (formations d’enseignants à venir)
1. Outil d’aide à la conceptualisation : Intégrer les IA dans nos enseignements.
2. Dominer l’outil : Corriger, améliorer une synthèse écrite avec les IA textes. Il s’agira d’aller au-delà de la simple utilisation des IA par les élèves en cachette à une utilisation raisonnée et amélioratrice de leur production écrite et orale en tenant compte des apports du cours ; Intégrer les IA comme un outil à l’apprentissage. - Compétences travaillées : pensée critique, collaboration, rédaction, plus-values des IA.
- IA utilisées (les leurs) : Mistral, ChatGPT
Expérimentation
- Les outils ont toujours été inventés par l’intelligence humaine pour nous éviter l’effort. Ici, c’est l’effort de rédiger, conceptualiser qui est en jeu. Peut-être est-ce là la difficulté particulière à laquelle est confronté aujourd’hui l’enseignant. L’apprenant n’a plus à produire l’effort de compréhension, de maîtrise conceptuelle ni même rédactionnelle.
- Certains prédisent déjà la mort du métier d’enseignant. À ceux-là, j’objecterais que tout outil à son artisan. Cela fait maintenant 20 ans que je travaille à l’intégration des outils numériques dans nos disciplines. Et je dis bien outils. La question n’est en définitive pas très différente de celle des années 2000 quand wikipedia et ses connaissances à disposition sur le web complétées de logiciels capables de gérer les données comme en cartographie par exemple sont apparus. Avec les IA aujourd’hui, le risque de la démission collective de penser peut, il est vrai, être plus alarmant, car l’enseignant qui transmettait déjà moins de connaissances, n’aurait plus à transmettre autant les méthodes d’écriture et d’organisation de la pensée.
- Pour autant, à moins d’avoir « nos vies sous GPS » comme l’évoque Roger-Pol Droit, c’est à dire être complètement déchargé de nos réflexions et prises de décisions, l’enjeu de l’École reste de construire des esprits capables de surplomber l’outil, car l’esprit humain reste le seul capable d’externaliser sa pensée, de créer originalement, de se décentrer. Il est par conséquent indispensable que l’Ecole, garante de citoyens éclairés consubstantiels de la démocratie, intègre l’IA dans ses pratiques pédagogiques. Les défis sont immenses.
- A ma mesure, et dans le cadre de l’expérimentation des TRAAM, j’ai tenté d’intégrer l’usage des IA génératives dans mon enseignement. Après plusieurs essais, il apparaît qu'une utilisation de l’IA pertinente semble être dans l’aide à la conceptualisation. Jusqu’alors, c’était après un apport de l’enseignant au moyen d’activités progressives que l’on construisait l’acquisition avec l’élève d’un concept plus général. L’étape devenait délicate pour l'élève quand il s’agissait à la fin de produire un résumé personnel de ce qu’il en avait compris. Or, ce travail de rédaction et de mise en ordre des idées pour synthétiser est aujourd’hui faite par l’IA. Il a donc fallu dans un premier temps que les élèves cessent de le faire en cachette et jouer IA sur table. Ensuite, avoir ensemble une réflexion sur les données mises en œuvre (moissonnages des données, enjeux géopolitiques, économiques) et leur usage sans grande plus-value pour leur formation. Enfin, leur permettre dans l’étape en aval des cours et au moment de la synthèse, d’utiliser l’IA avec qu’une seule règle comme pour un document : ne pas recopier le texte produit. En aval des leçons et avec l’expresse consigne de ne pas recopier le texte généré mais d’en produire un, nous avons pu avoir une aide de la part des IA.
Mises en oeuvre
Terminale Enseignement de Spécialité HGGSP, séquence « L’environnement, entre exploitation et protection : un enjeu », séance « complexité des interactions entre les sociétés et leurs milieux, entre exploitation et protection », prise de conscience environnementale et concept de « développement durable ».
Le développement durable est un concept déjà vu en classe de 5e, puis de 2nde. Il est convoqué à nouveau pour le baccalauréat en spécialité HGGSP. Un rappel et une explication sont néanmoins de nouveau nécessaire dans le cadre d’un enseignement curriculaire.
Séance de 2h00.
- Activité 1 : Représentations du développement durable ; mobilisation des acquis. Élaboration d’une première définition.
- Activité 2 : Apport de l’enseignant : Historique de la prise de conscience de l’introduction de l’environnement en Géographie, en Économie. Retour et maîtrise de la définition schématique qu’ils avaient trouvé sans la maîtriser. Nouvel enrichissement de la définition.
- Activité 3 : En byod ou depuis leur tablette régionale, chercher une définition de développement durable sur leur IA. La maîtriser et enrichir leur première définition. Le texte généré par l'IA devient source documentaire pour une synthèse complète et personnelle du concept par l’élève d'une page.
Cette pratique a été utile pour l’élaboration de leur grand oral de spécialité pour leur faire comprendre qu’il devait surplomber le sujet, préparer le questionnement sans se contenter d’apprendre par cœur l’exposé que leur avait généré l’IA.
Autre application sur la notion de rente mémorielle en Algérie :
Une pratique qui peut être transposée en classe de Seconde sur l’humanisme
IA en classe avec des élèves de 6e :
La ville de demain
M. Bessone - collège Saint-Exupéry - Saint Laurent du Var
- L’idée initiale est de faire travailler le chapitre "la ville de demain" aux élèves de demain en intégrant l’IA afin de réaliser une production finale : L’image d’une ville de demain générée par une IA.
- La génération de cette image est le fil conducteur de la séquence. Au fil des séances les élèves abordent les notions importantes du chapitre. Les élèves ont des connaissances solides sur les métropoles car ils ont traité la séquence « Les métropoles et leurs habitants » juste avant. Les deux chapitres faisant partie du même thème : « Habiter une métropole ».
- Le parti pris est de faire une géographie prospective comme les programmes peuvent le suggérer.
Mise en oeuvre
Analyse critique
- L’engagement des élèves était assez élevé durant tout le chapitre, le chapitre est lui-même original et l’objectif de production finale leur a permis de visualiser les enjeux de l’acquisition de chaque connaissance ou le travail de chaque compétence.
- A aucun moment de la séquence les élèves utilisent un outil d’IA. J’ai pris cette décision d’abord en raison du RGPD qui cadre les productions d’élèves avec ces outils et les risques que cela peut entraîner. J’ai profité de cela pour dialoguer avec les élèves au sujet de « l’éthique de l’IA » et cerner ceux qui utilisaient déjà ces outils et ceux qui ne le faisaient pas. J’ai aussi choisi de ne pas les laisser utiliser cet outil pour des raisons d’égalité : il fallait que la même IA - Le Chat de MISTRAL AI - génère toutes les villes pour éviter les écarts trop grands. Je préférais aussi finalement garder la main sur leurs productions, leur permettant d’avoir la surprise le jour de l’évaluation et de s’évaluer anonymement entre groupes.
- Un objectif sous-jacent était aussi de montrer aux élèves combien un prompt IA peut être complexe à construire et que finalement notre intelligence, notre réflexion et notre sensibilité se suffisait à elle-même pour imaginer la ville de demain. L’IA intervient finalement tout au bout du cheminement des élèves et concrétise – en générant une image – leurs apprentissages. En cadrant bien les élèves, les échanges et en rappelant l’objectif final fixé de façon explicité ; la séquence s’est bien déroulée. Seule la rédaction du prompt a été complexe pour eux.
- Problèmes rencontrés :
La récupération des prompts assez laborieuse et la rédaction du prompt en groupes est assez longue. Les élèves doivent se mettre d’accord sur la rédaction d’un texte riche et confronter leurs visions de l’avenir qui est très différente (j’ai anticipé ce point en leur faisant fixer les 10 éléments qui seront présents dans les villes du futur). Les débats ont été assez vifs et longs. L’anticipation, le futur peuvent parfois aussi laisser aller à des écueils :
- Confusion entre prospectif et science-fiction
- Angoisse liée à la question environnementale
- Elèves qui génèrent de leur côté une ville du futur en dehors du cadre de la séquence et dont le travail ne répond pas aux objectifs et ne tient pas compte des contraintes
La durée de la séquence un peu longue : 6 séances + 1h supplémentaire pour évaluation individuelle.
Prolongation envisagée
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Les productions des élèves sont affichées dans la classe et ont suscité beaucoup d’intérêt des autres classes tous niveaux confondus :
« Mais qui a fait ça ? » « C’est des sixièmes qui ont fait ça ? » « Pourquoi nous on fait pas ça… ? »
Suite à cela je travaille à la réalisation d’un mur collaboratif entre les différents niveaux de classe : le fil conducteur est « Les villes au fil du temps ». J’intègre le même processus à des cinquièmes qui ont généré des villes médiévales via l’IA et des quatrièmes qui travaillent sur la ville industrielle toujours avec le même objectif de générer des paysages de villes artificiellement.
Productions
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Exemples de prompts :
Groupe 1 :
Génère-moi une image qui représente une ville du futur composées de : transports électriques (voitures, bus, motos), végétalisée d’au moins 25 % (la végétation doit être dispersée), on doit y voir de l’agriculture sur les toits et un parking extérieur avec seulement des bornes électriques. Au bord des routes qui sont aménagées, il doit y avoir des pistes cyclables et des trottoirs neufs . On ne doit pas y voir de déchets. Cette ville doit être de style européen et le plus réaliste possible. Il doit aussi y avoir des personnes humaines qui se baladent.
- Groupe 2 :
Peux-tu nous générer une ville européenne du futur avec ces éléments :
De la végétation
Des robots qui font des corvées
Des grattes ciels
Des panneaux solaires de partout
Plus d’habitants et plus d’habitats
Plus de pont
Plus d’autoroute
Plus de lacs
Plus d’écoles
Une ville réaliste en 2050 avec des bâtiments en forme d’hexagones
- Groupe 3 :
Génère moi l’image d’une ville du futur avec des transports à plusieurs étages, des places spacieuses, des drones livreurs de nourritures, avoir des tablettes à la place des cahiers pour un meilleur apprentissage, pouvoir changer les chansons dans les ascenseurs grâce à un écran tactile des distributeurs de combinaisons pour la pluie, que les prix soient moins élevés, plus de végétation, plus d’éoliennes et des activités sur l‘eau et des panneaux solaires
- Groupe 4 :
Génère-moi une ville du futur ou tu mets un télésiège pour se déplacer au-dessus de la ville. Un train supersonique pour se déplacer très vite. Une grande piste cyclable pour faire du sport. Il faut mettre de l’eau gratuite dans la ville pour boire de l’eau et ajouter des centres commerciaux. Des bâtiments très haut pour prendre moins de place. Mets de la végétation pour faire plus beau. Installe des escalators dans les bâtiments pour ne pas se fatiguer. Mets des trottoirs plus grand pour se sentir plus en sécurité.
- Groupe 5 :
Génère-moi une île du futur qui se trouve en Océanie en 2050, qui contient 2 grands immeubles ou il y a de la végétation sur la façade. Un parking en bois et au-dessus un jardin. Rajoute une route sur l’eau qui rejoint 2 cotes opposées de l’île, mets un téléphérique. Rajoute des robots livreur. Rajoute un avion avec des panneaux solaires sur les ailes. Rajoute une pyramide en verre, et des arbres bien taillés. Rajoute immeuble en spirale. Rajoute un pont en verre. Rajoute un musée en bois.
- Prompt rédigé avec l'enseignant en guise de correction :
Génère-moi une ville du futur réaliste prenant en compte les aspects du développement durable, on y trouve des espaces verts, des énergies renouvelables, des espaces de rencontres pour les habitants ; le tout dans un style scandinave sans immeubles trop hauts ; on y trouve des bâtiments culturels comme des musées ainsi que des commerces.
Apprendre à travailler avec l’IA au Collège :
Débusquer les biais des IAs génératives d’images
M. Clerc - collège Le Pré des Roures - Le Rouret
Projet
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L’expérimentation est proposée à de jeunes élèves de Sixième.
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L’attention est portée sur l’IA générative d’images. L’objectif est de les conduire à identifier et conscientiser les biais véhiculés par les IAs génératives et de faire prendre conscience aux élèves très tôt que les IAs génératives ne sont que le fruit d’algorithmes et que comme toute création humaine ils véhiculent des biais.
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Le but est également de faire évoluer les pratiques d’enseignement (formations d’enseignants à venir) en invitant les professeurs à avoir recours aux IAs génératives d’images en accompagnant cette démarche d’un travail de formation au questionnement des sources, cœur de notre métier.
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Compétences travaillées : questionnement de la source, exercice de l’esprit critique.
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IA utilisée :
https://www.craiyon.com Il s’agit d’une IA générative basée sur le moteur DALL-E, l’un des plus populaires actuellement. La particularité de cette IA est qu’elle adopte un modèle « éthique ». Après le « scandale Google Gemini » du début d’année 2024, qui a conduit la firme californienne à suspendre la génération d’images un temps, la problématique d’une IA générative respectueuse à la fois des minorités et de la véracité historique s’est imposée : c’est sur cette préoccupation que CrAIyon a fondé son modèle économique pour attirer les investisseurs.
Expérimentation
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Contexte BO : THEME I de GEOGRAPHIE : HABITER UNE METROPOLE, Séquence I : Les métropoles et leurs habitants. "On se fonde sur une étude de deux cas de métropoles choisies pour l'une dans un pays développé, pour l'autre dans un pays émergent ou en développement". "Il s'agit de caractériser ce qu'est une métropole, en insistant sur ses fonctions économiques, sociales, politiques et culturelles, sur la variété des espaces qui la composent et les flux qui la parcourent".
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L'entrée dans l'activité se fait par l'étude de cas de la métropole de pays émergent, en l'occurrence Mumbai. Dans un premier temps, comme souvent en Géographie, les élèves sont invités à verbaliser leurs "représentations" : ils répondent à la question "à quoi ressemble le centre de la métropole de Mumbai, dans pays émergent comme l'Inde ?". La feuille de réponses est confiée à l'enseignant. Les études de cas conduites en classe infirment et/ou nuancent ces stéréotypes.
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Puis le travail s'ouvre en salle informatique : comme indiqué, le choix se porte sur
, pour les raisons soulignées plus haut. La plateforme adopte un modèle gratuit et ne nécessite pas de compte utilisateur, c’est un point positif pour une utilisation dans un cadre scolaire. En revanche, la génération de la planche de 9 images s’accompagnent de généreux bandeaux publicitaires. Par ailleurs, le prompt doit être, encore actuellement, rédigé en Anglais. C’est donc l’enseignant qui le rédige, sur la base des propositions de la classe, c’est lui également qui traite les images générées pour expurger les annonces. Le résultat est projeté à la classe.
Mise en oeuvre 2024
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Quelle que soit la formulation du prompt (« montre-moi le centre de Mumbai », « A quoi ressemble centre d’une ville de pays émergent ? »), le résultat projeté est invariablement le même : pour l’IA générative, le centre d’une ville de pays émergent est un bidonville. La réflexion autour du biais de l’IA se nourrit de cet écart constaté par les enfants eux-mêmes.
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L’idée suivante est alors d’interroger à nouveau l’IA pour évaluer la portée des stéréotypes véhiculés par l’algorithme. L’enseignant suggère la question « Montre-moi une famille indienne », abordé dans les études de cas pour montrer la diversité des situations en Inde. Le résultat est tout aussi édifiant en terme de clichés.
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L’activité se termine par un parcours PIX basé sur les compétences Education aux Médias et à l’Information (EMI) du cycle 4 au Collège et contribue à la préparation des élèves à l’Attestation de Sensibilisation au Numérique PIX obligatoire en Sixième depuis cette année.
Mise en oeuvre 2025
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La même activité a été conduite avec 2 autres classes en 2025. Aucune annonce particulière n’a été faite sur le site de
, mais l’algorithme a manifestement été modifié dans certains domaines. La génération d’images sur le centre des villes des pays émergents est radicalement différente, ce qui témoigne des efforts de la firme pour être en cohérence avec sa promesse « éthique ».
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Sans être parfait, loin s’en faut, le rendu se rapproche de la réalité. C’est une première accroche pour une réflexion sur les biais de l’IA avec les élèves qui voient également les images générées il y a quelques mois. Au final, tout n’est que question de code algorithmique et pas « d’intelligence », l’IA générative ne sait produire que ce pour quoi elle a été conçue, le bien comme le moins bien.
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Comme l’année précédente, le prompt est aussi rédigé pour générer des images d’autres réalités, plus sociales. A la question « Montre moi un docteur qui soigne un patient », l’IA propose un rendu particulièrement genré sur les stéréotypes masculins. Il l’est également sur les stéréotypes d’origine.
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Autre exemple, cette fois-ci à la question « Montre-moi une personne qui joue avec un enfant » :
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Cette fois-ci c’est encore plus problématique : les stéréotypes de genre sont toujours aussi présents, mais la volonté de
de prendre en compte les minorités le conduit à les surreprésenter. Paradoxalement en prétendant lutter contre les clichés l’IA devient elle-même un vecteur de distorsion de la réalité. Même animée par une volonté louable, l’IA est dépassée par la complexité à traiter de manière sereine une réalité complexe, multiple.
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Il est probable que ces biais s’amenuisent avec le temps. Mais cela n’est pas certain. La traduction de ce qu’est réellement le monde demande une puissance de calcul phénoménale, un investissement humain tout aussi phénoménal pour produire un algorithme cohérent, dans un monde où l’énergie et la puissance de calcul n’est et ne sera pas infini avant longtemps, dans un univers concurrentiel particulièrement féroce. Les « errements » récents de Grok, l’IA conversationnel et générative du groupe dirigé par Elon Musk sont là pour nous le prouver.
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Aussi, préparer nos élèves à exercer leur esprit critique face à ces outils dits « intelligents » parait plus que nécessaire.
Apprendre à travailler avec l’IA au Collège :
Utiliser l’IA conversationnelle pour apprendre et progresser à l’écrit comme à l’oral
M. Clerc - collège Le Pré des Roures - Le Rouret
Projet
- L’expérimentation est proposée à des élèves de troisième.
- L’attention est portée sur différentes solutions d’IA conversationnelles. L’objectif premier est de conduire les élèves à ne plus l’utiliser comme une fin en soi, mais comme un outil, similaire au final à bien d’autres, qu’il convient de mobiliser pour préparer l’oral du Diplôme National du Brevet (partie exposé et partie entretien). L’objectif second est d’authentifier l’IA la plus efficiente dans un cadre scolaire.
- Le but est également de faire évoluer les pratiques d’enseignement (formations d’enseignants à venir) en invitant les professeurs à avoir recours aux IAs conversationnelles en accompagnant cette démarche d’un travail de formation au questionnement des sources, cœur de notre métier.
- Compétences travaillées : questionnement de la source, exercice de l’esprit critique, construction incrémentielle de la connaissance et de la maîtrise d’un sujet de son choix.
IA utilisées : Chat GPT (https://chatgpt.com), Gemini (https://gemini.google.com/app?hl=fr), et Mistral (https://mistral.ai/fr)
Expérimentation
- J’exerce la responsabilité de référent numérique dans mon établissement depuis plusieurs années déjà. Je suis également chargé de mission pour le CLEMI et je participe enfin aux travaux du groupe numérique académique HG-EMC centré sur les usages numériques dans ces disciplines. A ce titre j’échange beaucoup autour des pratiques numériques avec mes collègues au sein de l’établissement ou plus largement lors des temps de rencontre avec mes pairs dans l’Académie ou lors de formations.
- Je constate, comme tous sans doute, que la question de l’IA est devenue centrale depuis l’année dernière. Parce qu’elle s’est imposée dès 2024 dans le débat public, parce qu’elle est « rentrée » subrepticement puis massivement dans nos classes la même année, « poussée » par les applications populaires utilisées par nos élèves, puis en 2025 parce qu’elle s’est imposée comme une préoccupation institutionnelle et étatique.
- L’IA, en particulier dans sa forme conversationnelle, interroge profondément nos métiers. La crainte de se voir dépossédé de notre rôle de transmetteur de savoirs est palpable chez nombre de nos collègues. Elle est d’ailleurs légitime, des prescripteurs en quête d’économies auront tôt fait de vouloir nous remplacer par Gemini, Chat GPT ou d’autres solutions numériques, pour « le bien des élèves ». Nous tous savons le danger de ces orientations, à court, moyen ou long terme.
- Pour autant, les outils sont là. L’IA est là. Elle est performante, et les élèves qui nous parviennent l’utilisent déjà énormément et l’utiliseront plus encore demain. Penser pouvoir faire sans, dans le cadre éducatif, serait comme imaginer enseigner en se privant d’électricité ou de calculatrice.
- Une partie de notre travail consiste à souligner les écueils de l’IA dans ces différentes formes. Comme beaucoup d’autres collègues, c’est ce que je m’attache à faire. Questionner la source est le cœur de notre métier, c’est un présupposé naturel et essentiel.
- Mais il reste cependant une question centrale : face à cet outil qui donnera de plus la en plus « la bonne réponse », de plus en plus vite et sans efforts, quelle est la plus-value de l’enseignant ? Humainement, pour nous , professionnels de l’éducation, la question ne se pose pas, rien ne remplace l’échange, le face-à-face, dans la construction du savoir. Mais face à une IA qui « sait tout », et surtout qui « fait tout », où se positionnent la relation enseignant-élève et la construction-appropriation du savoir ?
- C’est en lisant un article sur le site « The Conversation » que j’ai découvert sous la plume de Régis Martineau , Docteur en Management et enseignant à l’ICN Creative Business School, l’existence de Joseph Jacotot. Il s’agit d’un pédagogue, d’esprit très libertaire, qui a sillonné les universités d’Europe du Nord au début du XIX ème siècle et qui a eu la particularité d’apprendre la langue française à des Flamands sans connaître un mot de leur langue, donc sans pouvoir interagir verbalement avec eux. Sa pédagogie, renommée « Méthode du Maître Ignorant » par le philosophe et chercheur Jacques Rancière [RANCIERE, Jacques. Le Maître ignorant, cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, Fayard, 1987],
« pose pour principe que l’on n’apprend vraiment que ce dont on a soi-même besoin. Par exemple, les enfants apprennent leur langue maternelle sans aucun cours : ils apprennent par tâtonnement, par essai-erreur, par persévérance et effort, et surtout, par nécessité. C’est ce savoir qui sera réellement approprié pour toute la vie. Dès lors, le principal rôle du professeur est de vérifier que l’apprenant fait, réellement, un effort sur son apprentissage.
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Mises en oeuvre
- La démarche pédagogique consiste à confronter les élèves à des sujets d’études et de les laisser travailler seuls puis avec une IA conversationnelle. L’objectif n’est pas la réponse en soi, l’enseignant la connait, l’IA la trouvera. L’objectif est le cheminement : comment l’élève s’approprie-t-il les données livrées par l’IA, comment les questionne-t-il, comment les intègre-t-il, comment les défend-il face aux questions et objections ?
- Pour y parvenir, Régis Martineau propose d’accompagner le travail de l’élève par un dialogue, répété autant de fois que nécessaire, reposant autour de 3 questions fondamentales :
Qu’est-ce que c’est ? : « par cette question, on demande à l’apprenant de nous parler de quelque chose, de décrire et de faire comprendre à l’autre ce dont il parle. Bien entendu, (l’IA conversationnelle) peut le faire avec talent à la place de l’étudiant, et c’est bien là le problème. Avec les méthodes traditionnelles, qui consistent à vérifier qu’une « bonne réponse » attendue a été apportée par l’étudiant subsistera toujours le doute que cette « bonne réponse » n’a pas été artificiellement fabriquée. Avec la méthode du Maitre Ignorant, en revanche, on pourra déceler facilement qu’une appropriation n’a pas eu lieu : le discours est stéréotypé, trop lisse, trop superficiel, etc. À la première tentative d’approfondissement, ce discours s’effondrera. L’apprenant se rend compte alors que (l’IA conversationnelle) ne suffit pas, car, ce qui lui manque, ce ne sont pas les réponses, mais le vécu d’apprentissage, le chemin parcouru, qui donnera chair à son propos ». [RANCIERE, Jacques. Le Maître ignorant, cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, Fayard, 1987]
Quelles sont les sources utilisées ? : Le dialogue avec l’élève permet très rapidement de constater si ces sources ont été réellement consultées, comprises, interrogées. Comme nous allons le voir dans un instant cette question a aussi l’intérêt de sensibiliser les élèves à la qualité du sourcing en fonction des IAs utilisées.
Qu’est-ce qui est intéressant ? : Dans le dialogue avec l’enseignant, l’élève sera peu à peu capable de faire ressortir les points essentiels à la compréhension du sujet. L’appropriation sera alors effective : l’élève sera en position de maîtrise d’un sujet. La plus-value essentielle de l’enseignant se joue sans doute ici, dans cette capacité à solliciter l’esprit critique.
La « méthode du Maître Ignorant » ne prétend pas se substituer à la relation « maître-élève » classique. Nos métiers reposent sur une transmission évidente du savoir. Mais dans le cadre d’activités ponctuelles, elle permet de ramener l’IA générative au rang d’outil qui, au même titre qu’un dictionnaire par exemple, ne constituent pas une fin en soi mais un simple vecteur d’acquisition, d’appropriation de connaissances.
La préparation des deux parties de l’oral du DNB
- L’expérimentation prend place dans le cadre des heures dédiées à la préparation de l’épreuve orale du DNB. L’établissement dans lequel j’exerce permet la mise en place de demi-groupe, cadre idéal pour tenter de nouvelles approches pédagogiques.
- Des comptes génériques ont été créés sur les tablettes IPads dont nous disposons. Cela permet un accès à la version gratuite des IAs conversationnelles que nous voulons utiliser dans ce travail.
- Dans un premier temps, l’heure de cours est dédié à un point sur le travail réalisé pour réaliser le point sur le dossier préparé par l’élève à la maison pour sa partie « exposé » de l’épreuve orale. En tant qu’enseignant, je pointe l’ensemble des mots-clés nécessitant une preuve de maîtrise de connaissances ou susceptibles de donner lieu à une question du jury, plus ouverte, dans la partie « entretien » : un nom propre, la mention d’un courant artistique, d’un événement précis. L’élève en fin de présentation est questionné sur ces mots clés. A chaque fois qu’il ne sait pas, il doit interroger l’IA conversationnelle pour approfondir ses connaissances. Régulièrement, la question « qu’est-ce qui est intéressant ? » revient, pour évaluer la capacité de l’élève à synthétiser, à s’approprier les connaissances qu’il met en avant.
- Un second élève, son « binôme », a assisté au travail et fait la même chose à son tour avec l’enseignant, sous l’œil de son camarade. La démarche est acquise, ils sont à présent autonomes (ou pourront bien entendu bénéficier a posteriori de l’aide et des conseils de l’enseignant, surtout sur la question « Qu’est-ce qui est intéressant ? ») : ils continueront sur les séances suivantes à développer la méthode du « Maître Ignorant » et approfondiront à chaque fois la connaissance globale du sujet choisi, en incluant les sources les plus pertinentes possibles.
Un point particulier sur le travail de réflexion autour de la source : mise en concurrence des solutions d’IAs conversationnelles
- Les élèves utilisent pour la plupart l’IA générative spontanément, sans consulter les sources. Or dans la méthode développée à l’instant cela devient une question centrale. La démarche du « Maître Ignorant » est aussi un vecteur d’apprentissage des bons choix d’IA : Interrogées sur la question « Résume moi la vie de Léon Blum », Chat GPT et Gemini livrent un résultat rapide, mais sans sourcing. Lorsque dans le prompt on demande les sources, puisque l’enseignant va les demander, pour évaluer leur qualité, les deux IAs restent très génériques : Chat GPT indique s’appuyer sur un corpus de 2021, sans donner de précisions, et sur quelques sources libres.
- Gemini fait mieux, et cite des références plus précises, mais sans donner de liens concrets.
- Mistral, quand il est interrogé sur les sources, les produit, et permet l’accès à un panneau latéral cliquable pour les consulter en direct.
- Actuellement, dans une démarche de construction honnête et éclairée du savoir, Mistral est le meilleur choix. Cela pourra changer, mais la démarche de questionnement des sources permettra aux élèves de s’adapter.
Le retour des élèves
- Les élèves de la classe qui ont conduit l’expérimentation ont été invités à donner leurs impressions à l’issue du travail mené. Voici quelques transcriptions « brutes » :
Élève 1 : « Je vais être honnête, c’est Chat (GPT) qui a préparé mon dossier sur Guernica. J’ai aussi vu une vidéo sur TikTok. Je pensais être au point mais (le professeur) m’a (coincé) sur les premières questions : la guerre civile, Franco, (je n’étais pas prêt). Les deux cours avec les Ipads m’ont permis de rajouter plein de points dans mon dossier, je pense que maintenant ça va aller ».
Elève 2 : « J’ai travaillé mon dossier avec mon père. Il travaille dans ce domaine. Mais du coup j’avais très peu de (sources). J’ai pu les rajouter avec les deux séances ça a permis de finir mon travail ».
Elève 3 : « Mon oral parle de mon projet d’orientation. Du coup l’IA ne m’a pas été trop utile. Mais par contre quand mon binôme me demandait de préciser un mot, je m’en suis servi ».
Elève 4 : « Je n’ai pas trop aimé ce travail. Tout le monde utilise Chat(GPT) en Anglais, en Maths, c’est pas ça travailler. J’ai préparé mon oral avec des sites, c’est carré ».
- Ces avis divers convergent toutefois vers l’idée qui était centrale au début de l’expérimentation : l’IA a été ramené au rôle d’outil, que certains vont s’approprier, à des degrés divers, et d’autres moins. L’expérimentation sera reconduite l’année prochaine pour évaluer les évolutions des IAs conversationnelles et pour approfondir la démarche.
Apprendre à travailler avec l’IA au Collège :
Générer des "témoignages" de personnages illustres
Mme Martin - collège Mistral - Nice
Projet
- Générer des « témoignages » de personnages illustres
avechttps://fr.vidnoz.com/ - Génération de vidéos à partir d'images.
- Travail sur les sources et le récit historique
- Carnets de voyages d’explorateurs 5e
- Commerce triangulaire 4e
- Salons des philosophes 4e
- Carnets de poilus 3e
- témoigner de la Déportation 3e
Expérimentation
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Programme : Thème 1 d’histoire 3e Chapitre 3 : la seconde guerre mondiale en classe de 3e
Compétences : Lire, utiliser différents langages, compétences numériques, s’engager dans un projet -
Problématique : Peut-on utiliser l’I.A au service du devoir de mémoire ?
Mise en oeuvre
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Lors de séances d’A.P :
1ère séance : les élèves avaient à leur disposition un lot de livres et B.D relatant des témoignages de déportés, autobiographies, biographies, livres jeunesse.
Chaque élève a choisi un livre et a commencé à le lire en classe.
BIBLIOGRAPHIE :
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A la maison : rechercher biographique sur l’auteur ou le déporté dont il était question dans le livre choisi.
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2e séance : les élèves choisissent un extrait du livre, roman ou de la B.D qui témoigne d’un moment de la vie du déporté. Nous nous mettons d’accord pour que chacun choisisse une étape différente de la politique de discrimination et d’extermination des nazis.
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A la maison : les élèves finissent de rédiger leur extrait.
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3e séance : Le professeur corrige les fautes d’expression et d’orthographe. Les élèves commencent à découvrir l’application
et à taper leur texte.
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A la maison : les élèves qui n’avaient pas fini doivent terminer leur vidéo sur
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4e séance : mise en commun du travail : le professeur met en place le genially sous la direction des élèves qui choisissent le format, le décor. Nous réfléchissons ensemble à l’ordre des vidéos. Nous cherchons les références bibliographiques exactes.
Retour d'expérience
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Points positifs : Ce travail a permis de faire lire les élèves, d'approfondir le thème et de développer les compétences numériques gràace à la génération de vidéos.
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Points négatifs : Outre le fait que cela nécessite un très bon niveau littéraire des élèves et une motivation pour le travail à la maison, le résultat n'est malheureusement pas publiable. En effet, même si le travail des élèves a été de qualité, les vidéos mettent en scène des photographies de personnes réellement déportées témoignant avec un sourire inhérent à l'application utilisée d'un vécu indicible. La démarche est sans doute plus appropriée sur les autres périodes historiques envisagées au départ sur des thèmes moins sensibles.