Premières - L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)
Montrer « la restauration de l’ordre monarchique et la fragilité du congrès de Vienne »

 

Théâtraliser un événement historique :

« Encourager la prise de parole en public des élèves »

ppo : METTERNICH ET LE CONGRES DE VIENNE


CVienne



pucebleue Ce texte est la présentation d’une séance réalisée en classe de première générale – 26 élèves – et se conçoit à la fois comme un compte rendu du déroulé de la séance et comme une réflexion sur sa conception et sa mise en œuvre. Pour plus d’informations, un dossier documentaire est joint (fiches utilisées en classe).

 

fch Les finalités :

Un premier regard, en surface, pourrait placer l’étude du congrès de Vienne dans la catégorie des séances austères ou classiques. Cela reviendrait à n’en considérer que les aspects territoriaux en réduisant le travail à l’analyse de quelques cartes. Pourtant, le titre du point de passage et d’ouverture (PPO), « Metternich et le congrès de Vienne », en mettant en exergue le rôle du diplomate autrichien, ouvre une piste stimulante : il est possible d’envisager une incarnation des différents acteurs du congrès, ce dernier étant alors conçu comme un événement total dans une approche théâtralisée de l’enseignement de l’histoire.

Une telle approche peut alors s’inscrire dans la préparation et la méthodologie du Grand oral. C’est l’occasion de favoriser la capacité de prise de parole en public des élèves et d’affiner avec eux certaines stratégies langagières, d’envisager en dialogue des postures et des déplacements possibles, d’explorer des modes opératoires qui leur permettent un certain épanouissement, propice à la gestion du stress. C’est aussi le moyen d’expérimenter un procédé heuristique qui cherche à mobiliser la curiosité de l’élève et à faciliter son engagement dans le processus d’apprentissage.

Le dispositif s’inscrit dans la continuité d’une initiation à la prise de parole testée lors d’un premier PPO consacré au procès de Louis XVI (Robespierre, Condorcet, Louis XVI lui-même, son avocat, le procureur, le bourreau…) qui offre aussi une galerie de personnages à interpréter. Lors de cette première étape, les élèves ont découvert le jour-même le corpus de textes distribué au début du cours et ont choisi leur rôle. Ils ont « joué » le personnage dans une forme d’improvisation.

La deuxième étape, consacrée donc au congrès de Vienne, se veut plus construite. Les objectifs sont plus précis, le niveau d’exigence plus élevé pour la restitution. Pour autant, nous restons dans le cadre d’un « work in progress » qui vise à perfectionner la pratique des élèves jusqu’à l’examen en classe de Terminale. Quelle peut donc être l’architecture de cette séance ?

 

fch La mise en œuvre de la séance :

Il faut prévoir deux heures.

pucebleue La première séance :

Lors de la première heure, en amont, le professeur donne aux élèves une série de documents : la liste des principaux acteurs du congrès, un corpus de textes reprenant des extraits de lettres, articles ou mémoires de ces acteurs, une fiche technique présentant le cadre du congrès et une fiche de rôle.

L’intérêt du congrès de Vienne est d’offrir un cadre, un décor, une variété de personnages, des diplomates incontournables comme Metternich et Talleyrand aux personnages plus secondaires comme Beethoven ou Marc-Antoine Carême – le cuisinier de Talleyrand – aux souverains eux-mêmes – Alexandre Ier – aux femmes, souveraines ou courtisanes. Cette réflexion sur les personnages conduit les élèves à s’interroger sur leur implication, leur présence à Vienne et à hiérarchiser les différents rôles, à mieux comprendre la complexité du congrès, à la fois événement diplomatique majeur et moment festif au cœur de l’Europe riche en coups de théâtre.

Les élèves peuvent ainsi choisir leur rôle en fonction de leur sensibilité, cela conduit à valoriser certains personnages et à montrer le potentiel et la richesse de certains acteurs secondaires – Marie-Antoine Carême, par exemple.

Se pose ensuite la question des sources. Talleyrand, Metternich, ou le prince de Ligne – et ses répliques théâtrales comme « Le congrès ne marche pas, il danse » - ne posent pas problème. Il est plus difficile de retrouver des archives pour Wilhelmine de Sagan – salonnière et maîtresse de Metternich – ou pour Carême. Un travail de reconstitution, de réécriture de ce qu’ils auraient pu dire ou penser est intéressant, les élèves doivent être bien conscients du fait qu’ils sont en train de construire un faux document, mais de façon réflexive, critique et en cohérence avec la biographie et l’action du personnage. Pour appuyer ce point, figure dans la liste des personnages un historien contemporain (Patrick Louvier, Montpellier-III), afin de donner un ancrage historiographique conforme aux attendus du programme.

Enfin, élèves et professeur réfléchissent ensemble à l’ordre de passage, à l’enchaînement des répliques et à la conduite générale de ce petit moment de théâtre – ce qu’on appelle dans le lexique des comédiens, une « petite forme ».

À issue de cette première séance, les élèves sont amenés à construire leur fiche de rôle, en nourrissant l’identité de leur personnage ; une petite recherche permettant d’épaissir la biographie et de l’incarner davantage par la reproduction d’un portrait.

Il est sans doute préférable de laisser quelques jours entre les deux séances. L’expérience a montré qu’il peut être utile de demander aux élèves d’apprendre leur texte – qui est nécessairement court, l’intervention de chaque élève/acteur ne dépasse pas une minute, à l’exception de l’intervention conclusive de l’élève/historien ; les élèves qui ne maîtrisaient pas assez leur texte avaient du mal à l’interpréter.

 

pucebleue La deuxième séance se déploie en trois temps ou actes :

Dans un premier temps, l’enseignant introduit les enjeux et le cadre du congrès (Quand, Qui, Où, Comment, Pourquoi) en le contextualisant et en posant une problématique. Une double problématique : la première portant sur le contenu, quelles sont les faiblesses du congrès, en quoi recompose-t-il l’Europe selon les principes de la légitimité dynastique et en quoi est-il rapidement contesté par les mouvements nationaux et libéraux ? Ce chapitre visant à montrer « la volonté de clore la Révolution, dont témoigne la restauration de l’ordre monarchique européen, ainsi que la fragilité de l’œuvre du congrès de Vienne » (BO). Mais la problématique est aussi plus formelle : en quoi le congrès est-il un événement total et en quoi la théâtralisation à venir permet-elle justement de le montrer ? Lors de cette phase didactique, l’enseignant est à la fois le metteur en scène de ce qui va advenir et un acteur qui « surjoue » dans une forme de mise en abyme une séquence magistrale.

Dans un deuxième temps, les élèves interviennent. Le premier – Metternich – interrompt délibérément l’enseignant et prend – au premier sens du terme - la parole. Les répliques suivent, certains élèves peuvent se lever, Castlereagh ou Wellington peuvent dire quelques mots en anglais, Beethoven passe un extrait de sa cantate Le Glorieux Moment.

Dans un troisième temps, l’enseignant reprend la parole. Il commente les interventions des différents élèves/personnages, revient sur la forme de leurs interventions et propose de relire leur rôle par le prisme de la caricature. Le recours à la caricature s’impose à la fois par la richesse du corpus existant pendant et après le congrès, mais aussi par la récente et tragique actualité. L’enseignant peut projeter plusieurs caricatures (Metternich, Talleyrand, Le congrès des rois, La balance politique, Le congrès danse…) pour illustrer comment l’opinion s’empare d’un événement et répond aux tenants de l’immobilisme par une libre expression. Il est utile de s’attarder plus particulièrement sur un exemple afin de donner la possibilité aux élèves d’exercer leur esprit critique mais aussi d’exprimer leur ressenti face à l’image et aux ressorts utilisés. Ce travail sur la caricature pourra être approfondi dans les cours d’Enseignement moral et civique (« Fondements et fragilités du lien social ») afin de mieux contextualiser et d’expliquer les enjeux contemporains.

Ces différents temps, pour finir, posent la question de la prise de notes. Lors du premier acte introductif, les élèves concentrés sur leur future intervention, connaissant en partie les enjeux d’un sujet qu’ils ont préparé, peuvent rester simplement attentifs. Lors du deuxième acte, ils se tiennent prêts, écoutent leurs camarades mais ne prennent pas forcément de notes sur ce qui est dit. Enfin, lors du troisième acte, les élèves peuvent se poser et se contenter d’interagir avec l’enseignant dans un dispositif classique de cours dialogué.

 

fch La trace écrite :

Deux réflexions naissent de ce constat qui peut être considéré comme une limite du dispositif.

  • L’absence de prise de notes, sur une séance particulière, peut être assumée, l’oralité étant privilégiée. Dans ce cas, la séance peut être conçue comme une évaluation. Les élèves ont travaillé leur fiche de rôle et restituent ce travail dans leur intervention orale. C’est alors à l’enseignant de prendre des notes, à l’aide d’une grille de compétences, qui aura été communiquée, ou au mieux construite avec les élèves, aux élèves, sur laquelle l’enseignant/metteur en scène pointe les aspects qui méritent une remédiation.
  • L’absence de prise de notes doit être corrigée. Dans ce cas, il est tout à fait possible de contourner la forme linéaire en distribuant aux élèves un tableau ou un schéma, sous la forme d’une conduite, comme au théâtre, séquençant les différents moments et nœuds du dispositif et permettant à l’élève de noter quelques mots ou simple figurés pour garder une trace de la séance.

 

fch Réinvestir :

Enfin, lorsque les différents éléments de la séance auront été analysés et évalués avec les élèves, il conviendra de se projeter sur une troisième étape qui permettra de réinvestir les acquis et de pousser plus loin l’apprentissage et la méthode. D’autres point de passage, comme « George Sand, femme de lettres engagée en politique » ou « 1885 – les funérailles nationales de Victor Hugo » peuvent s’y prêter. L’objectif, en fin d’année, pouvant être d’arriver à une véritable forme théâtrale aboutie. L’écueil de ce dispositif est bien évidemment le temps consacré à un tel travail. Il peut être dépassé en sachant que le temps consacré à ces « PPO phares » sera rattrapé sur les autres points de passage, traités plus rapidement au sein d’une séquence, selon une approche différenciée à laquelle invite le programme.

 

M. Lamotte, lycée Albert 1er - Monaco

2020


pucebleue Fiche de séance et bibliographie

pucebleue Corpus documentaire

pucebleue Fiche technique

pucebleue Fiche acteurs

pucebleue Fiche de rôles

pucebleue Ordre de passage

 
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