Université d’Automne de l’Académie de Nice : l’Écriture de la Maternelle à la Terminale

L’Université d’automne de l’académie de Nice s’est tenue Le 21 octobre 2024.
Son originalité ? Rassembler au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Raphaël des enseignants du premier et du second degré pour une journée de réflexion et d’échanges autour des enjeux de l’écriture. Les intervenants ont exploré les défis  de l’enseignement de l’écriture de la maternelle à la terminale et montré des pratiques concrètes dans toutes les disciplines.

Les Intervenants (par ordre alphabétique) :

Université d'automne : l'écriture de la maternelle à la terminale

Salle comble pour cette université d’automne à Fréjus au lycée Saint-Exupéry : l’écriture de la maternelle à la terminale

Magali Brunel : professeure à l’université de Montpellier en didactique de la littérature
– Dominique Bucheton : professeur émérite en sciences de l’éducation, grand témoin de la journée
Véronique Clérico : professeure de mathématiques au collège Jules Romains de Nice
Hélène Croisonnier : IA-IPR d’arts plastiques
Stéphanie Mestre : IEN, Alpes-Maritimes, en charge de la mission Maternelle
Catherine Mottet : Inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR)
 et responsable de la mission « Enseignement primaire ».

La Conférence Inaugurale de Catherine Mottet : « les élèves ne sont pas hostiles à
 l’écriture, loin s’en faut »

Catherine Mottet, inspectrice générale (IGESR) et responsable de la mission « Enseignement primaire », a axé son intervention sur la continuité de l’enseignement de l’écriture de la maternelle à la terminale. Elle s’est notamment appuyée sur les résultats d’une enquête de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) qui révèle que 59% des jeunes de 14 à 18 ans écrivent quotidiennement, principalement des messages directs, des listes de courses ou de tâches et des pensées personnelles. C’est dire l’importance de valoriser toutes les formes d’écriture : l’école joue un rôle crucial dans
l’apprentissage des normes linguistiques. Mais on ne peut que constater le fossé entre les écrits académiques de l’école et les pratiques personnelles. Comment faire en sorte que ce que nous proposons aux élèves, qui est par nature scolaire, puisse rejoindre leur goût pour l’écriture dans la sphère privée ?
 Ont été abordés les freins historiques et didactiques à l’enseignement de l’écriture, le fait que l’écriture a toujours été étroitement liée à la lecture et que cette relation historique a influencé les pratiques pédagogiques. C’est sur la question du brouillon, écrit préparatoire, et dans la pratique de toutes les formes d’écrits courts que se trouve une partie de la solution … pour rendre le plaisir d’écrire.

La Table Ronde a fait dialoguer chercheuses, inspectrices et enseignantes
Les enjeux de l’écriture de la maternelle à la terminale dans toutes les disciplines

Magali Brunel traite de la cohabitation de l’écrit numérique et de l’écrit papier. Elle travaille sur l’intérêt d’intégrer les outils numériques dans la classe et constate que l’écriture numérique est déjà présente à l’école mais plus utilisée par les enseignants que par les élèves. Elle plaide pour une approche adaptable qui tienne compte des sensibilités et talents des élèves dans une perspective inclusive. Elle note que les élèves perçoivent souvent l’écriture sur écran de manière plus positive, le papier étant davantage associé à une corvée. L’utilisation du numérique pourrait ainsi réduire l’anxiété liée à l’orthographe et favoriser une écriture plus libre et motivante.

Hélène Croisonnier témoigne sur les cahiers de travail : des merveilles !

Hélène Croisonnier, IA-IPR d’arts plastiques, a consacré son intervention aux carnets de travail dans la tradition des carnets de croquis des artistes. Elle a mis en lumière leur utilité pour encourager l’expression personnelle et la réflexion critique chez les élèves : comment ces carnets peuvent servir de support pour documenter le processus créatif, réfléchir sur les œuvres produites et développer une écriture réflexive. Elle a présenté des exemples concrets  réalisations par des élèves, illustrant la richesse et la diversité des productions et a souligné que cet usage est tout à fait transférable aux autres disciplines. (voir la note 1)
Françoise Fliche et Véronique Clérico, IGESR et professeure de mathématiques, ont abordé la question souvent négligée de l’écriture en mathématiques. Elles ont montré que l’écriture mathématique ne se limite pas à la rédaction de démonstrations formelles mais inclut la mise en mots des raisonnements, la justification des méthodes et la communication des résultats.
Françoise Fliche s’est intéressée à l’écrit réflexif en mathématiques : un moyen de placer l’élève en métacognition avant même qu’il traite la tâche purement mathématique. Là les émotions et sentiments ne sont plus exclus. L’élève est donc véritablement acteur de ses apprentissages et peut mieux entrer ensuite dans la résolution mathématique. Françoise Fliche a également montré combien l’entrée en écriture mathématique nécessite un travail précis de la part de l’enseignant sur l’abstraction ; rien ne va pas de soi tant les signes peuvent être polysémiques. Véronique Clérico a présenté des pratiques pour aider les élèves à développer ces compétences grâce à un travail interdisciplinaire avec une collègue de français en 6ème.
Stéphanie Mestre, IEN en charge de la mission Maternelle, a mis en avant les activités d’écriture tout au long du cycle d’apprentissage. Elle a partagé des exemples d’activités où les élèves, dès la maternelle, sont encouragés à écrire de manière créative, ce qui leur permet d’explorer le langage tout en développant des compétences d’écriture. Mme Mestre a également discuté de l’impact positif de ces pratiques sur la confiance en soi des élèves et leur motivation à écrire.

Dominique Bucheton : Un témoignage éclairé

Dominique Bucheton à l’université d’automne de Nice

Dominique Bucheton a souligné l’importance de considérer l’élève comme un sujet pensant et créatif. Elle insiste sur la nécessité d’engager les élèves dans l’écriture, surtout face à l’émergence d’outils comme ChatGPT et critique les attentes sociétales qui se concentrent sur la communication et l’orthographe, au détriment d’une approche plus réflexive et personnelle de l’écriture au moment où cela devient plus urgent que jamais. Les « écrits intermédiaires » – expression qu’elle préfère au terme de « brouillon » – doivent permettre de valoriser le processus d’écriture. La mission des enseignants, c’est bien sûr de construire le rapport à la norme écrite mais « est-ce que ce n’est pas davantage de faire de nos futurs élèves, futurs citoyens, des sujets pensant et écrivant leur point de vue à eux, et non pas celui qui est développé par Chat GPT, ou par le bulldozer des médias ? » Et c’est un processus long et lent qui accompagne la pensée dans et pour le développement de chacun de manière absolument transversale.

Vers une pédagogie de l’écriture renouvelée ?

L’Université d’automne de l’académie de Nice a été une occasion précieuse de réflexion et de partage sur les pratiques d’enseignement de l’écriture quelles que soient les disciplines : en français, en mathématiques, en sciences ou en arts plastiques, l’écriture doit être envisagée comme une compétence fondamentale à développer tout au long de la scolarité. Les interventions et contributions lors de la table ronde ont permis de mettre en lumière des approches pédagogiques variées et souvent innovantes. En valorisant toutes les formes d’écriture, numérique ou traditionnelle, « brouillons » et carnets de travail personnels, cette journée a voulu tracer les contours d’une pédagogie et d’une didactique articulées, capables de préparer les jeunes à devenir des citoyens créatifs, scripteurs éclairés.

(1) Retrouvez les documents et présentations de Mme Croisonnier, IA-IPR d’arts plastiques :
Présentation dynamique : Le carnet de travail à l’œuvre : du plaisir d’écrire et de créer en arts plastiques
Texte de l’intervention de Mme Croisonnier
Bibiographie : Les carnets aujourd’hui – outils d’apprentissage & objets de recherche, Presses universitaires de Caen, dirigé par Sophie Hébert-Loizelet et Élise Ouvrard, 2019.