Projet de correspondance géographique
Collège La Sine de Vence / Lycée Simone Veil de Valbonne
Académie de Nice 2023-2024
Line Perrier et Claudia Pocholle,
professeures d’histoire et de géographie
La correspondance imaginée entre ces deux établissements s’inspire des réflexions actuelles sur la géographie scolaire et les pratiques langagières.
La géographie expérentielle (1) propose une approche différente de la géographie scolaire. Elle incite les enseignants à placer leurs élèves en « immersion » en leur faisant vivre de manière directe ou indirecte des expériences spatiales. Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves des expériences spatiales qu’ils vivent au quotidien mais aussi de leur offrir de nouvelles expériences. Jean-François Thémines a une démarche similaire lorsqu’il soumet l’idée de demander aux élèves de « regarder par la fenêtre ». (2)
La géographie sensible s’inscrit également dans cette nouvelle approche : elle nous pousse à faire appel à tous nos sens pour appréhender un espace. (3)
A travers ces démarches, les élèves pratiquent une géographie « spontanée » qu’il convient ensuite d’articuler avec la géographie « raisonnée » afin de passer de l’expérience à l’analyse.
La recherche sur les pratiques langagières nous fait prendre conscience que l’élève pense et apprend lorsqu’il écrit (4). Il devient alors primordial de multiplier et diversifier les situations d’écriture dans la classe.
Le langage sert à produire un discours sur le monde. En s’appropriant le langage géographique, l’élève pense le monde dans lequel il vit et construit un savoir.
Selon Didier Cariou, un des leviers pour faire écrire les élèves dans nos disciplines est de s’interroger sur la posture de l’élève lorsqu’il écrit. Le plus souvent, les élèves ont le sentiment de devoir écrire pour prouver à l’enseignant qu’ils ont appris leur leçon. La question du sens se pose alors puisque l’enseignant connaît déjà la leçon et que les élèves n’ont rien à lui apprendre. Il s’agit de mettre l’élève dans une autre posture. Demander par exemple aux élèves de se mettre en « position haute », de ne pas s’adresser au professeur mais d’expliquer à d’autres élèves ce qu’ils ont appris peut permettre de libérer l’écrit.
Durant une année, nous avons demandé à nos élèves d’entretenir une correspondance géographique. Notre objectif était d’engager davantage nos élèves dans la discipline.
En amont, nous avons réfléchi à des thèmes communs aux programmes de collège et de lycée. Une fois ces passerelles trouvées, des activités ont été imaginées afin de faire vivre des expériences spatiales aux élèves et de leur permettre de perfectionner leur maîtrise du langage géographique.
Au total, cinq échanges ont été pensés : une classe proposant à chaque fois une activité à une autre classe.
Le thème des métropoles et du métropolisation a été retenu pour le premier échange.
Une classe de sixième a rédigé un texte afin d’expliquer ce qu’ils avaient appris sur la façon dont les habitants de Londres habitent leur ville. Pour ce faire, les collégiens ont dû passer d’un langage à un autre et transformer le schéma fléché dans lequel ils avaient noté les informations extraites des documents étudiés à un texte s’adressant à d’autres élèves. Les élèves de première leur ont répondu en leur apportant des connaissances complémentaires, en nommant par exemple certains phénomènes géographiques décrits par les élèves de sixième.
Le deuxième échange est parti d’une enquête sur les mobilités réalisée par des élèves de seconde dans le cadre de leur programme et à l’occasion de la semaine européenne des mobilités.
Cette enquête soulevait un certain nombre de problématiques environnementales. Des élèves de sixième leur ont répondu en leur proposant des solutions à ces problématiques à travers un exercice de prospective : imaginer la ville de demain. Ils ont exposé leurs solutions sous la forme de maquettes légendées.
Le troisième thème choisi a été les espaces productifs.
Une classe de première s’est rendue sur le site de « Sophia Antipolis », à proximité duquel se trouve son lycée, et a essayé de « ressentir » cet espace. Les élèves ont regardé, écouté, senti… Grâce à des photographies, des vidéos ou encore du texte, la classe a restitué son expérience. L’ensemble a été transmis au collège. Les élèves de troisième ont dû mener l’enquête en observant, lisant, écoutant tout ce qui avait été accroché et projeté dans leur salle de classe puis émettre des hypothèses sur l’espace décrit par les élèves de première et sur sa nature.
Une sortie de terrain sur la plage de la Salis à Antibes dans le cadre du cours de SVT, de géographie et du projet « Plastique à la loupe » a donné lieu au quatrième échange. Des élèves de sixième ont envoyé des photographies et des croquis de paysage réalisés lors de la sortie. Des élèves de seconde ont analysé ces productions. Ils ont ensuite rédigé un texte dans lequel ils ont expliqué aux élèves de sixième les différents aménagements qu’ils avaient identifiés lors de leur sortie, leurs conséquences environnementales et la façon dont l’Etat français tentait de préserver les littoraux.
Le dernier échange a eu pour thème les espaces ruraux.
Des élèves de première ont préparé un exercice de cartographie pour les collégiens. Les élèves de sixième ont eu à lire et analyser un ensemble de cartes et de croquis afin de prélever des informations sur les espaces ruraux dans le monde. Ensuite, guidés par les consignes de lycéens, ils ont dû synthétiser et cartographier ces informations sur un croquis de synthèse. Ils ont ensuite envoyé leur croquis aux élèves de première qui avaient pensé l’exercice afin qu’ils le corrigent.
Tout au long de l’année, les élèves qui ont participé à ces différentes activités ont mené l'enquête pour savoir avec quel établissement ils étaient en train de correspondre. En plus des activités, des indices géographiques ont été imaginés par les élèves et divulgués tout au long de l’année. A la fin de l’année, l’énigme a été résolue et les classes se sont envoyées une petite vidéo pour se présenter.
L’ensemble de la correspondance a été regroupée dans un livre numérique mis à disposition des élèves et de leurs parents.
Tout au long de ce projet, nous avons été témoins de l’engouement de nos élèves pour cette correspondance. Les élèves se sont indéniablement engagés dans ce projet en faisant preuve de motivation et nous questionnant très souvent sur l’avancée de la correspondance. Ils ont certainement eu le sentiment de faire de la géographique autrement et ont trouvé un aspect ludique. La mise en scène d’une « correspondance mystère », les sorties de terrains ou encore la découverte de la géographie sensible et de la prospective sont autant d’éléments qui, à notre sens, ont suscité de l’intérêt chez les élèves.
Repères bibliographiques
- https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/geographie-espaces-scolaires/geographie-a-l-ecole/pistes-geo-experientielle
- https://normandie-univ.hal.science/hal-04626431v1/document
- https://www.pedagogie.ac-nice.fr/histgeo/index.php?option=com_content&view=article&id=543:habiter-et-geographie-sensible&catid=41:peda
- http://www.inrp.fr/zep2/partheme/textes/lec/bautier.html