TraamEMI Séquence : critiques de cinéma à la manière des vidéastes

Séquence : critiques de cinéma à la manière des vidéastes

Rappel du contexte dans le Traam EMI 2021-2022 Nice

Synthèse courte du projet :

  • Solliciter les compétences créatives des élèves dans le cadre de critiques vidéos de films. Nous nous appuyons sur le format des vidéastes (principalement Youtube) afin d’observer leur capacité d’adaptation à un format codifié.

Les objectifs étaient les suivants :

  • Après la projection de films dans le cadre du dispositif Collège au cinéma, nous travaillerons les compétences d’analyse et de synthèse sur le modèle de la critique de cinéma. Nous analyserons à l’oral et en groupes, les œuvres sous leurs diverses composantes : le récit, les effets techniques et le sens des images. Après ce travail, nous visionnerons des exemples de vidéos sur Youtube et ils proposeront une capsule vidéo basée sur une critique de film qui reprend les codes des “vidéastes cinéphiles”.

Hypothèse de départ :

  • Les élèves développent une culture du remix ou s’inspire de quelque chose pour créer. Ils ne créent pas des nouveaux formats.

Publics :

  • 4e SEGPA
  • 3e SEGPA
  • Ulis

 

Ce travail est né d’une conviction ancrée dans nos pratiques depuis plusieurs années : l’éducation à l’image par le cinéma qui fait partie intégrante de l’EMI.

En France, le mot « média » à l’école est employé pour désigner les « médias d’information » du type actualité. Le cinéma est plus proche des disciplines comme les Lettres, les Arts ou l’Histoire-Géo-EMC. Or, dans certains pays comme la Belgique, le cinéma est relié directement à l’EMI.

Le Conseil Supérieur à l’Éducation aux Médias en Belgique énonce :

« L’éducation à la démocratie et au “vivre ensemble” fait incontestablement partie des missions de notre système éducatif et scolaire. Et, parmi les instruments susceptibles d’être utilisés dans cette perspective, le cinéma représente sans aucun doute un média séduisant, facilement accessible, susceptible de provoquer le débat et la réflexion, tout en ayant un fort impact émotionnel »1.

Nous nous inspirerons de cet état d’esprit pour justifier notre démarche dans cet article.

Nous avons créé trois types de séances :

  • Séance A : Visionnage du film, analyse cinématographique et critique collective.
  • Séance B : Qu’est-ce qu’une critique de film par des vidéastes ?
  • Séance C : Fabrication d’une critique de film en vidéo

Dans quel ordre ?

Ces séances ont été articulées différemment en fonction des niveaux. Parfois nous avons d’abord travaillé le format critique « vidéastes » avant de voir le film. Parfois, nous avons d’abord visionné et analysé le film avant de parler du format critiques « vidéastes ».

  • Soit A, B et C
  • Soit B, A et C

Les deux articulations sont pertinentes mais produisent des mises en activité différentes. A ce stade, il nous paraît difficile de préconiser un ordre plutôt qu’un autre dans le déroulement des séances.

Néanmoins, il nous semble primordial d’analyser le film et les techniques cinématographiques collectivement dans la même séance que le visionnage. La trace laissée par cet exercice nous a servi plusieurs fois dans les séances suivantes. Elle permet aussi de fixer le film dans la mémoire des élèves grâce à ce travail méta-cognitif.

Compétences finales de la séquence

Domaine Compétence Lien avec les programmes
CRCN : création de contenus Développer des images et des sons

Niveau 3 Produire une image, un son ou une vidéo avec différents outils numériques

PEAC : Se confronter aux œuvres

 

EMI : produire, communiquer, partager Participer à une production multimédia en tenant compte des destinataires

Matériel:

  • Caméra/Ipad/Téléphone
  • Micro
  • Trépied Ring Light
  • Fond vert
  • Movie Maker pour le montage

 


Séance A : « visionnage du film, analyse cinématographique et critique collective »

Objectif principal :

  • Donner des éléments techniques du cinéma, interpréter le sens des images pour produire une analyse critique collective.

Objectifs secondaires :

  • Créer des habitudes de visionnage collective et une culture cinéma commune.
  • Avoir une trace écrite pour servir de base pour la rédaction des scenarii de critiques vidéos.

Enseignants :

  • Professeur documentaliste
  • Enseignants spécialisés (SEGPA, Ulis)

Compétences de la séance :

  • Cinéma : Saisir l’intention du réalisateur / Repérer l’essentiel d’une histoire (découpage séquentiel) / Découvrir le sens implicite dans les images / Repérer les indications de temps et de lieux.
  • SCCC : Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit / Comprendre, s’exprimer en utilisant les langages des arts et du corps / Expression de la sensibilité et des opinions, respect des autres.

Déroulement :

Projection du film ou visionnage sur 2 ou 3 séances de 55 minutes.

Le corpus de film se basait sur Collège au cinéma (MUD, 12 Hommes en colère et Le Havre). Pour des raisons sanitaires et de niveau des élèves (SEGPA et Ulis), nous avons adapté la sélection : MUD, Le huitième jour, le Voyage de Chihiro, L’étrange Noël de M.Jack et Les Autres)

Toutes les classes n’ont pas vu tous les films. Nous commençons le plus tôt possible l’analyse collective, 1h ou 2h en fonction des classes. Elle s’organise toujours autour de 2 moments :

1.Analyse des techniques cinématographiques2

Elle est systématiquement collective et illustrée par des exemples extraits du film qui vient d’être vu.

Les notions abordées sont :

  • L’analyse séquentielle du film : on redécoupe en « grands temps » du film.
  • La séquence / le plan / les valeurs de cadre / les mouvements de caméra : après des exercices sur la définition technique de chaque notion, on analyse une scène clé du film sous forme d’exercice.
  • Le son : la musique, les bruitages le son in/off avec la valeur qu’apporte chaque technique.

2.La critique du film

On replace le film dans son contexte : réalisateur, date, acteurs…etc. On introduit la notion de genre cinématographique.

On reparle collectivement (et sans les images) des thèmes abordés, des arcs narratifs (des personnages et leurs évolutions), des lieux filmés, des éléments déclencheurs… etc.

Ici, on discute du sens que les images apportent à l’histoire du film. Le but étant d’émettre un avis argumenté : J’ai aimé, Je n’ai pas aimé pourquoi ?… Je m’y serais pris autrement…

Deux exemples d’analyse collective du film :

Brainstorming classe 1 sur le film MUD

 

Brainstorming classe 2 sur le film MUD

Bilan de la séance :

Les + :

  • Bonne culture cinématographique des élèves (grâce à des pass-ciné ou à des abonnements à Netflix)
  • L’analyse dépend du degré d’adhésion au film : ils n’ont pas aimé certains films.
  • Lorsque l’on met du vocabulaire professionnel sur des idées (genres, plans, valeur de cadre…), le langage cinématographique ressort chez les élèves avec la phase de verbalisation collective.
  • L’interprétation de certaines scènes dépassaient les attentes des professeurs.

Les – :

  • Leur culture est souvent nourrie par un seul et unique genre cinématographique (horreur, super-héros, les séries à la mode…).
  • Certains films sélectionnés n’ont vraiment pas bien fonctionné : ils n’ont pas accroché les élèves.
  • Un déficit d’attention à cause l’effet répétition : on doit revoir certaines scènes 3 ou 4 fois.

Séance B : Qu’est-ce qu’une critique de film par des vidéastes ?

Objectif principal :

  • Lire et interpréter les images pour comprendre l’intention d’un auteur-réalisateur.

Objectifs secondaires :

  • Reconnaître et lister les procédés employés par les vidéastes (montage, son, extrait, réalisation…)
  • Se projeter en tant que réalisateur de vidéo

Enseignants :

  • Professeur documentaliste
  • Enseignants spécialisés (SEGPA, Ulis)

Compétences de la séance :

  • Cinéma : Saisir l’information en utilisant le langage de l’image / Traiter l’information en dégageant les idées / Saisir l’intention de l’auteur / Reconnaître la diversité des genres en identifiant la structure dominante
  • SCCC : Médias, démarches de recherche et de traitement de l’information / Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit
  • EMI : Exploiter l’information de manière raisonnée : Apprendre à distinguer subjectivité et objectivité dans l’étude d’un objet médiatique / S’entraîner à distinguer une information scientifique vulgarisée d’une information pseudo-scientifique grâce à des indices textuels ou para textuels et à la validation de la source.

Déroulement :

Pendant 1h ou 2h, on visionne en classe plusieurs critiques de films de différents vidéastes. La sélection est construite en amont par les enseignants pour montrer une variété de capsules et différents genres (humoristique, fictionnel, réaliste, austère…)

Corpus de vidéos :

Nous dégageons collectivement les caractéristiques de chaque vidéo dans un tableau : description du film / comment le film est analysé / décors/langage / avis / mise en scène… etc.

L’objectif est de démontrer que le créateur de la vidéo utilise des procédés techniques pour appuyer son propos. Ces procédés sont soit esthétiques, soit argumentatifs.

Nous essayons de distinguer les parties informatives et les parties fictionnelles (humoristiques ou « plaisirs »). On laisse la possibilité d’ajouter des colonnes en suivant les remarques pertinentes des participants.

Voici un tableau type rédigé avec les élèves :

Grâce à ce travail, nous pourrons choisir le type de procédé qu’ils utiliseront en fonction des choix esthétiques et argumentatifs qu’il voudront employer. Le but est de s’inspirer de ces vidéos.

Bilan de la séance :

Les + :

  • Le tableau pour l’écriture des scenarii de la critique est très utile.
  • Bonne participation. Débats animés et instructifs sur le monde des vidéastes.
  • On fait rentrer la sphère « loisir » dans la sphère « scolaire ».

(on valorise les pratiques juvéniles).

Les – :

  • Le corpus est un peu trop compliqué pour le niveau des élèves.
  • Ils ne connaissent pas les vidéastes proposés.
  • On se confronte aux moyens techniques : les nôtres sont limités.

Séance C : Fabrication d’une critique de film en vidéo

Objectif principal :

Exprimer un avis à travers les techniques de l’image (vidéastes).

Objectifs secondaires :

  • Rédiger une critique cinématographique.
  • S’entraîner à la réalisation.

Enseignants :

  • Professeur documentaliste.
  • Enseignants spécialisés (SEGPA, Ulis).

Compétences de la séance :

  • Cinéma : Comprendre et utiliser le langage propre au réalisateur / Créer une vidéo en expérimentant, tâtonnant, imitant, imaginant / Justifier des techniques utilisées
  • SCC : Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit / Organisation du travail personnel / Coopération et réalisation de projets / Réflexion et discernement
  • EMI : Partager et publier / Développer des documents multimédia
  • CRCN : Produire une image, un son ou une vidéo avec différents outils numériques

Déroulement :

Le nombre de séances est indéterminée et assez fluctuant selon les classes et les films.

Phase 1 :

A partir de l’analyse collective de chaque film3, les groupes doivent écrire une critique. Pour organiser leur argumentation, ils peuvent s’appuyer sur un document fourni par le professeur4.

Dans la majorité des cas, ils ont réussi à exprimer leur avis dans un langage structuré et argumenté. Par contre, le rapport à l’écrit reste difficile pour la plupart d’entre eux. Le dispositif mis en place permettait de les accueillir en petits groupes au CDI pour faciliter la rédaction. Parfois, le professeur a servi de «scribe » pour les élèves qui sont les plus en difficulté face à la rédaction.

Phase 2 :

En s’appuyant sur la critique écrite et sur l’analyse des vidéo5, ils scénarisent leur propre capsule. Cette phase a été très problématique…

En effet, bien que motivés en octobre, la plupart a refusé d’apparaître à l’écran. La gêne vis-à-vis des autres et la mauvaise ambiance dans certaines classes a cassé l’émulation du début d’année. Ceux qui ont participé au tournage ne voulaient plus apparaître dans les vidéos en tant qu’acteur. Nous n’avons pas pu exploiter les rushs enregistrés.

Notre explication réside dans l’emploi du format « vidéaste ». Finalement, l’exercice consiste à engager toute sa présence à l’écran en donnant son avis « en face caméra ». On ne joue pas seulement un personnage mais on met en scène son corps et sa personnalité entière dans l’activité. Cette chose est possible sur les réseaux sociaux qu’ils utilisent car ils en appellent souvent au conformisme, à la reproduction d’avis et surtout aux loisirs.

Dans notre projet, il s’agit d’exprimer un avis argumenté, sérieux et dans un milieu scolaire. A cet âge et dans ce genre de classes, le prix à payer pour cet engagement était trop important pour les trois-quart des élèves. Ils avaient peur des moqueries et du regard des autres.

Exemple de vidéo : https://acamedia.ac-nice.fr/critique-mudmp4_v7817

Remédiations :

Face à ce problème, nous avons adapté le format final seulement pour les classes Ulis.

Au lieu d’exprimer un avis personnel, nous avons ré-investi les connaissances autour du cinéma sur la réalisation d’un court métrage.

L’avantage de passer par la fiction a été d’encourager un plus grand nombre d’élèves à passer devant la caméra.

Ils ont écrit un scénario. Nous avons distribuer les rôles. Chacun a pris sa place pendant le tournage (acteurs, cadreurs, accessoiristes, scripts, monteurs…)

Nous nous sommes éloignés du domaine de l’EMI mais nous restons dans des activités d’expériences créatives.

Bilan de la séance:

Les + :

  • Le transfert des compétences d’analyse de film et des techniques cinématographiques a fonctionné.
  • Réactivité face aux problèmes techniques et au manque de moyen : ils ont trouvés des solutions créatives.

Les – :

  • Gros problèmes dans l’écriture des critiques.
  • Manque d’engagement des élèves dans l’activité finale.
  • Réel soucis de planification et d’organisation des tournages pour les professeurs cet année (covid, stages, CFG…).

 


Observations critiques de la séquence

(Pour année II du Traam EMI)

1.Difficile observation de la créativité

  • Les enseignants sont plongés dans les activités au même titre que les élèves. Ils manquent de recul quant à l’analyse de la situation.

Remède:

  • Prévoir des entretiens de ré-explicitation avec les élèves après les séances
  • Anticiper l’alternance entre les phases d’actions avec les élèves et les phases d’observation de leurs expériences créatives.
  • Tenter de développer des dispositifs d’observation scientifique en Information et Communication ou en Science de l’Éducation. L’objectif serait de collecter des données pour analyser ce qui se passe en classe. Nous allons nous rapprocher du Labo LINE de Nice.

2.Peu de situations créatives

  • La forme scolaire ne facilite pas les situations de créativité. Bien qu’ayant tenté d’utiliser tous les moyens de la REP+ et de l’enseignement spécialisé (transversalité, volume horaire, travail en petits groupes, personnels supplémentaires…), nous étions contraints par le temps et l’organisation scolaire.
  • De plus, nous manquions d’expérience dans la gestion de ce genre de projet. Tout au long de l’année, nous avons eu l’impression de courir après le temps. Ce qui nous a poussé à limiter les phases de création.

Remède :

  • Faire moins, mais mieux : découper les phases pour multiplier les expériences créatives courtes.
  • Nécessité de réinventer les espaces et trouver de nouvelles formes scolaires.

3.Le choix des films et la contrainte du format « vidéaste »

Nos choix nous ont enfermé dans un certain type d’activité.

  • Nous nous sommes appuyés sur Collège au cinéma. Sur certains films, l’engouement pour l’activité s’est un peu perdue. Il faudrait leur laisser une marge de manœuvre sur le choix des films à projeter ou au moins sur les films qu’ils critiquent dans les capsules vidéos (sorties cinémas du moment).
  • Le format « vidéaste » nous semblait pertinent aux vues des pratiques des élèves sur Youtube. Or, il s’avère que lorsqu’ils sont sur les plate-formes vidéos, ils ne sont que spectateurs et non pas forcément producteurs de contenus. Ils n’ont pas de chaînes Youtube et lorsque c’est le cas, ils n’apparaissent pas eux-même dans leurs vidéos. Le transfert des activités de loisir vers le milieu scolaire n’a pas tellement fonctionné.

Remède :

  • Réfléchir à des situations élaborées pour faire émerger une certaine « émancipation créative » : j’utilise le numérique et la vidéo pour trouver des solutions qui me permettent d’exprimer mon avis. Du côté de l’enseignant : « Laissez faire »…
  • Laisser plus de choix dans les formats vidéos et ouvrir le corpus de films à critiquer.

1CSEM, Balises pour un itinéraire en éducation au cinéma tout au long de la vie 2016 consulté le 15/05/2022 https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/productions/balises-pour-un-itineraire-en-education-au-cinema-tout-au-long-de-la

2Voir le dossier Les Autres 04 découpage scène - fiche technique

3Voir les photos en séance A

4Voir « comment faire une critique de film ? » comment faire une critique de film

5Voir la photo en séance B

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