Déterminer l’origine virale ou bactérienne d’une pharyngite (activité expérimentale)

par Philippe Cosentino

RÉSUMÉ

Dans cet article nous vous proposons une activité pratique au cours de laquelle les élèves devront dans un premier temps déterminer si une pharyngite a une origine virale et/ou bactérienne et dans un deuxième temps justifier les prescriptions du médecin. Pour cela ils seront amenés à utiliser le microscope et à réaliser un test ELISA.

 

 PLACE DE L’ACTIVITÉ

Niveau concerné Seconde
Place dans le  programme Agents pathogènes et maladies vectorielles

Certaines maladies (sont) causées par des agents pathogènes (…) .
Les agents pathogènes (virus, certaines bactéries ou certains eucaryotes) vivent aux dépens d’un autre organisme, appelé hôte (devenu leur milieu biologique), tout en lui portant préjudice (les symptômes).

Place dans la démarche / séquence Cette activité peut être utilisée au tout début de la partie “Agents pathogènes et maladies vectorielles”.
Mots-clés maladie,symptômes,agent pathogène,virus,bactérie,antibiotiques

 

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

Notions fondamentales mobilisées pathogène (bactérie, virus), traitements (antibiotiques) , prophylaxie (via le dépistage).

Enjeux éducatifs : éducation à la santé

Compétences travaillées  Concevoir, créer, réaliser (mettre en œuvre un protocole)

Communiquer et utiliser des outils  numériques (communiquer sur ses démarches, ses résultats et ses choix, en argumentant ; communiquer dans un langage scientifiquement approprié)

Pratiquer des démarches scientifiques (Interpréter des résultats et en tirer des conclusions ; Comprendre qu’un effet peut avoir plusieurs causes)

 

MODALITÉS 
Durée indicative 1h20
Matériel nécessaire Barrettes pour test ELISA, réactifs colorés (substitution)
Sachet de ferment lactiques pour yaourt (streptocoques)
Microscope, lame, lamelles, bleu de méthylène, cotons tiges
Prérequis Cycle 4 : action des antiseptiques et des antibiotiques

 

DESCRIPTION DU SCÉNARIO

Plusieurs scénarios sont possibles, voici un exemple de situation problème.

Situation-problème :

“Un patient consulte son médecin pour soigner son mal de gorge. Après examen du fond de sa gorge, le médecin confirme la pharyngite* mais hésite quant à l’origine de ses maux.

Étant donné qu’une épidémie de pharyngites causées par le VRS* sévit dans la région,le médecin soupçonne ce dernier d’être la cause principale de la pharyngite du patient.

De plus, vu l’intensité des symptômes, il n’exclut pas qu’une surinfection* par un streptocoque soit également à l’origine de l’inflammation de la gorge, et pour cette raison il envisage de lui prescrire un antibiotique.

Afin de connaître l’origine de la pharyngite du patient , le médecin prescrit deux prélèvements nasopharyngés, à réaliser en laboratoire d’analyse médicale.

      • L’un de ces prélèvements servira à vérifier la présence de streptocoques en réalisant un frottis.
      • L’autre servira à vérifier la présence du VRS par un test antigénique (technique ELISA).

Les prélèvements sont mis à votre disposition, ainsi que le matériel nécessaire aux analyses (microscope, réactifs et colorants, matériel pour test ELISA).

*Définitions :

      • Pharyngite: inflammation du pharynx.
      • Pharynx: intérieur de la gorge.
      • VRS: virus respiratoire syncytial.
      • Surinfection: infection supplémentaire survenant au cours d’une maladie infectieuse.
      • Antibiotiques: médicament neutralisant ou tuant les bactéries.
      • Frottis: préparation microscopique obtenue en étalant une substance organique sur une lame.

Objectif : à partir de l’observation microscopique du frottis du patient  et des résultats du test antigénique (que vous mettrez en œuvre), déterminez l’origine de la pharyngite et justifiez  la pertinence de la prescription d’antibiotiques.

Production attendue : un compte rendu , comportant une photographie annotée de votre observation microscopique, un texte indiquant les résultats du test ELISA  ainsi que votre interprétation de ces résultats et une courte conclusion.

 

GESTES TECHNIQUES ET EXEMPLES DE RÉSULTATS OBTENUS

Pour l’observation des streptocoques.

Pour la manipulation, on proposera aux élèves  des Streptococcus des ferments lactiques (Streptococcus thermophilus et Lactobacillus) vendus en grande surface ( ne pas prendre ceux avec des bifidus). On expliquera aux élèves qu’ils vont manipuler avec  des bactéries du même genre que S. pyogenes mais non pathogènes ( substitution).

Un seul sachet dispersé dans 10mL d’eau suffit amplement pour une classe entière.

Chaque binôme d’élève disposera sur sa table d’un tube Eppendorf contenant la suspension de bactéries et un demi coton-tige plongé à l’intérieur, pour qu’il réalise le frottis.

Un exemple de présentation des tubes Eppendorf. Ils contiennent les différents réactifs du test ELISA ainsi que les suspensions de bactéries (à droite).
Exemple de présentation pour les tubes Eppendorf. Les autres tubes contiennent les réactifs du test ELISA.

 

Pour observer les bactéries, l’élève étalera la suspension à l’aide du coton-tige au centre de la lame (frottis) et déposera une toute petite goutte de bleu de méthylène phéniqué.

Remarque importante : le bleu de méthylène doit être phéniqué pour colorer de manière optimale les bactéries. Le bleu de méthylène simple est un autre produit.


Exemple de cliché obtenu par un élève (objectif x60)

Pour le test ELISA

Chaque poste disposera d’une barrette de 3 puits au moins dans lequel seront réalisé les dépôts.

Le réactif utilisé est du bleu de méthylène réduit incolore (la réduction du bleu de méthylène se fait en faisant réagir du glucose en milieu fortement basique), qui prendra une coloration bleue une fois oxydé.

Vous trouverez aisément sur internet le protocole permettant d’obtenir du bleu de méthylène réduit incolore (souvent utilisé pour l’expérience de la “bouteille bleue”). D’autres alternatives sont envisageables, comme l’utilisation de jus de chou rouge combiné à des solutions de pH différents, ou encore le couple eau iodée / amidon.

L’oxydant utilisé est du peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) à 20% (ou bien à 33% dilué à moitié).

🥼Le port de la blouse, l’utilisation de gants et de lunettes est indispensable, d’une part car le peroxyde réagit instantanément avec la peau (il la décolore, mais la décoloration ne dure qu’une heure) et d’autre part car de la soude à été utilisée pour réduire le bleu de méthylène.

L’avantage de ce réactif est qu’il est incolore au départ de l’expérience, et ne prendra sa couleur bleue que si l’oxydant a été rajouté. Ainsi un puits coloré marquera un résultat positif, et un puits incolore un résultat négatif.


Exemple de résultats obtenus (le puits n°3 est ici le témoin négatif)

Cette substitution est plus satisfaisante que l’utilisation de produits sensibles au pH comme le jus de chou rouge, qui sont colorés dès le départ.

Les puits fournis aux élèves sont “censés” (il s’agit de produits de substitution) être déjà recouverts du premier anticorps.

Trois  dépôts seront réalisés par l’élève en utilisant des micropipettes réglées à 40µL :

  • 1er dépôt (40µL) = sérum du patient ou témoin (c’est le dépôt qui sera déterminant, le peroxyde modélisera le sérum et le témoin positif, de l’eau servira de témoin négatif)
  • 2ème dépôt (40µL) = anticorps de détection (on utilisera de l’eau, ce dépôt n’aura aucun effet sur le résultat, le geste est maintenu pour son intérêt pédagogique). Inutile de changer d’embout entre les puits.
  • 3ème dépôt (2 x 40µL) = solution de révélation (modélisée par le bleu de méthylène réduit). Inutile de changer d’embout entre les puits.

 

PISTES D’ÉVALUATION

Nous proposons ici quelques pistes d’évaluation de cette activité, il n’est bien entendu pas indispensable de toutes les mettre en œuvre. Nous avons fait le choix, mais d’autres choix étaient tout autant légitimes, de nous inspirer de l’évaluation des capacités expérimentales en terminale.

Évaluation de l’étape de réalisation pratique

Compétence “Concevoir, créer, réaliser (mettre en œuvre un protocole”

La réalisation du test ELISA est une étape pertinente pour évaluer notamment l’autonomie de l’élève face à un protocole. Elle suppose qu’une fiche technique décrivant le principe et les étapes du test ELISA (voir plus haut les exemples de documents que l’on peut donner) est à la disposition des élèves, ainsi que d’éventuelles fiches d’aide (sans oublier l’aide apportée à l’oral par l’enseignant). Des aides mineures peuvent correspondre à des éclaircissements apportés par l’enseignant sur telle ou telle étape. Une aide majeure correspondrait à une fiche ou à des consignes montrant le détail chaque geste que l’élève doit réaliser, ou encore si l’examinateur réalise une partie de la manipulation à la place de l’élève.

Niveau Description
A : Maîtrise très satisfaisante L’élève obtient des résultats exploitables sans aucune aide.
B : Maîtrise satisfaisante L’élève obtient des résultats exploitables avec des aides mineures.
C : Maîtrise fragile L’élève obtient des résultats exploitables avec une aide majeure.
D : Maîtrise insuffisante Malgré toutes les aides apportées, il n’obtient pas de résultats exploitables. Un document de secours donnant ces résultats est fourni aux élèves.

Évaluation de l’étape de communication

Compétence “Communiquer et utiliser le numérique (communiquer sur ses démarches, ses résultats et ses choix, en argumentant ; communiquer dans un langage scientifiquement approprié)”

Le compte-rendu ramassé en fin de séance comporte entre autres un cliché de l’observation microscopique des streptocoques et l’interprétation de ce cliché.

On peut envisager une évaluation séparée de la communication (le cliché microscopique) et de l’interprétation des résultats, ou bien les évaluer de manière conjointe en s’inspirant de ce qui est fait dans la nouvelle mouture (2023) de l’ECE.

Nous proposons ici une grille d’évaluation uniquement pour l’étape de communication de l’observation microscopique. Bien entendu, d’autres parties du compte-rendu (rédaction des constats, tableau des résultats) peuvent également faire l’objet d’une évaluation.

Trois critères sont attendus le compte-rendu (cliché annoté) de l’observation microscopique :

    • La production est techniquement bien réalisée (mise en page, rognage éventuel du cliché, soin, disposition appropriée du titre et autres annotations).
    • Le moyen d’observation (microscope, grossissement ou objectif x…, colorant utilisé) est précisé
    • L’objet observé (streptocoques, frottis) est correctement identifié dans le titre ou annoté
Niveau Description
A : Maîtrise très satisfaisante 3 critères
B : Maîtrise satisfaisante 2 critères
C : Maîtrise fragile 1 critère
D : Maîtrise insuffisante Aucun critère

 

Évaluation de l’étape de conclusion finale

Compétence “Pratiquer des démarches scientifiques (Interpréter des résultats et en tirer des conclusions ; Comprendre qu’un effet peut avoir plusieurs causes)”

Cette activité appelle une conclusion complexe et nuancée, du fait qu’il est question de justifier l’utilisation des antibiotiques. La conclusion en elle-même est donc suffisamment dense pour justifier une évaluation propre.

Trois  éléments sont attendus dans la conclusion :

    • L’ensemble des résultats (frottis et ELISA) sont pris en compte.
    • L’origine à la fois virale et bactérienne de la pharyngite a été déterminée.
    • La prescription d’antibiotiques a été justifiée du fait de la présence de bactéries pathogènes.
Niveau Description
A : Maîtrise très satisfaisante 3 éléments
B : Maîtrise satisfaisante 2 éléments
C : Maîtrise fragile 1 élément
D : Maîtrise insuffisante Aucun élément

 

CONCLUSION

Cette activité, modeste dans ses modalités de réalisation et sa complexité, permettra d’introduire en douceur les notions en lien avec la diversité des agents pathogènes, et leur lien avec les symptômes des maladies qu’ils causent chez l’hôte.

D’un point de vue manipulatoire, cette activité permet à l’élève de découvrir le test ELISA, une technique qu’il pourra réinvestir en spécialité de 1ère et terminale, voire en filière STL ou ST2S. C’est aussi l’occasion de réaliser une observation microscopique difficile (fort grossissement, objets très petits).

Enfin, d’un point de vue du raisonnement, l’élève sera amené à formuler une conclusion où il mobilisera la capacité “Comprendre qu’un effet peut avoir plusieurs causes” (la pharyngite a à la fois une cause bactérienne et virale), qui contribue à forger l’esprit critique des élèves.

Les enjeux de santé individuelle et publique sont rappelés à l’occasion de la discussion sur la pertinence de l’utilisation des antibiotiques.

Aller au contenu principal