Les caractéristiques crâniennes du genre Homo : crâniométrie virtuelle sur Mesurim2

par Philippe Cosentino

L’étude de l’évolution du genre Homo est au programme de l’Enseignement scientifique de Terminale, puisqu’on peut lire dans les notions du programme :

« Le genre Homo regroupe l’espèce humaine actuelle et des espèces fossiles qui se caractérisent notamment par le développement de la capacité crânienne. « 

L’activité proposée s’appuie sur des mesures crâniométriques réalisées par l’élève sur des modèles 3D de crânes, dans Mesurim2, mesures mutualisées puis reportées sur un graphique, avec comme objectif de dégager certaines caractéristiques du genre Homo.

Elle s’inspire de scenarii existants, classiques, s’appuyant sur des modèles de crânes (avec des relevés au laser), sur des logiciels (logiciel « Homininés », logiciel « Lignée humaine ») présentant des crânes, ou sur des photographies, et n’a donc pas pour prétention d’être originale.

Toutefois, elle peut entièrement être réalisées sur des tablettes telles que celles fournies par la région et a ainsi au moins le mérite de permettre à des élèves d’enseignement scientifique d’examiner en détail sous toutes leurs coutures des crânes (certes virtuels) même en dehors d’une salle de travaux pratiques (configuration courante pour cette enseignement). Elle peut également être réalisée à distance par des élèves contraints de rester à leur domicile, voire selon un mode hybride avec une partie de la classe à distance.

Cette activité, mais également les adaptations nécessaires apportées au logiciel Mesurim2, ont été réalisées dans le cadre de travaux académiques mutualisés (TraAM) dont le thème pour l’année scolaire 2021-2022 était « Articuler numérique et réel, en présentiel et en distanciel, en synchrone et en asynchrone ». L’objectif était donc de proposer une activité reposant sur des objets virtuels et réalisable par l’ensemble des élèves aussi bien en salle de classe, qu’à distance, voire en situation hybride.

 

Mise en garde : comment ne pas rater une mesure crâniométrique dans Mesurim2

Réaliser des mesures crâniométriques sur des modèles 3D n’est pas une opération triviale.

En effet, ces mesures étaient généralement réalisées soit sur des photographies de crânes, réalisées de profil, soit sur des projections (généralement sur papier calque) réalisées à l’aide de lasers.

La hauteur crânienne par exemple, se détermine en mesurant la distance entre le Porion (Po) et le Bregma (Br), sur une photographie de profil.

Mesure de la hauteur crânienne

On pourrait être tentés de réaliser cette mesure directement sur le modèle 3D, dans Mesurim2.

Mesure de la longueur Po,Br directement sur le modèle 3D. La hauteur crânienne sera alors surestimée.

Mais dans ce cas on surestimerait cette longueur, du fait que la diagonale est toujours plus longue.

On a presque 2 cm d’écart entre une mesure directe sur le modèle et une mesure prise sur une photographie ou une projection de profil.

La solution existe heureusement dans Mesurim2. Elle consiste à prendre un cliché de profil du crâne directement à partir de l’interface de Mesurim2, et à réaliser les mesures sur ce cliché.

Une précaution s’impose alors : avant de prendre le cliché il faudra désactiver la perspective, afin de passer en vue orthographique. En effet, un cliché pris en perspective exagèrera les longueurs du premier plan, alors qu’en vue orthographique, l’échelle est préservée lors du passage en 2 dimensions. Le passage de l’un à l’autre se fait à l’aide d’une icône en forme de cube en haut à gauche du panneau.

L’icône repassée en fluo jaune permet de basculer de la vue en perspective à la vue orthographique.

 

Déroulement de la prise de mesure, pas à pas

Tout d’abord l’élève doit charger le crâne qui lui a été attribué (l’idée étant que chaque élève travaille sur un crâne différent, et qu’à la fin les données soient rassemblées dans une feuille de calcul).

L’activité a été testée en classe avec les crânes suivants : AAIV,AAIW,AAKZ,AAIZ,AAJA,AAJB,AAPZ et AAQA.

Remarque : le modèle de crâne doit impérativement faire partie de la banque de Mesurim2 si l’on souhaite bénéficier de son échelle.

Pour cela plusieurs solutions sont envisageables :

  • l’enseignant laisse la liberté à l’élève de fouiller dans la banque de Mesurim2 jusqu’à trouver le bon crâne.
  • l’enseignant donne le code court à 4 lettres (qui apparaît dans la banque) à l’élève, qui l’ouvrira alors directement en allant dans « Image/Ouvrir/Saisir un code court ». C’est la meilleure méthode si on travaille sur un PC.
  • l’enseignant fournit un QR code à l’élève (ce QR code peut être récupéré dans l’onglet « Image/Partager » une fois que l’enseignant à ouvert le modèle), par exemple en l’imprimant sur un document. L’élève peut alors scanner ce QR code à l’aide de sa tablette ou de son téléphone.
  • l’enseignant réalise une salle d’exposition virtuelle (un lien en bas de l’article explique de quoi il s’agit) dans laquelle seront disposés les crânes. L’élève pourra alors déambuler dans cette salle, et ouvrir son crâne dans Mesurim2 en double cliquant dessus. Cette méthode nécessite l’usage d’un clavier et d’une souris.

Une salle d’exposition virtuelle permet à l’élève de mieux appréhender les échelles.

Une fois le modèle ouvert dans Mesurim2, l’élève devra faire pivoter le crâne afin de pouvoir identifier et légender les 5 points remarquables (O, Po, Pr, Br, Na) dont il aura besoin pour faire ses mesures.

Un document présentant l’emplacement de ces points et la façon de les repérer sur un crâne est fourni à la fin de cet article.

Pour légender ces points directement sur le modèle 3D, l’élève utilisera l’onglet « Légender » et suivra les instructions données par le tutoriel animé à gauche de l’écran.

Cette étape est très intéressante, car l’élève va devoir scruter le crâne dans les 3 dimensions afin d’identifier et de légender par lui-même les 5 points remarquables.

 

Une fois ce travail de légende terminé, l’élève va désactiver la vue en perspective (afin de disposer d’une échelle valable quelle que soit la distance) et placer son crâne de profil. Lorsqu’il est certain d’avoir placé le crâne correctement (cette étape doit être réalisée avec une grande rigueur), il peut prendre un cliché de son crâne à l’aide de l’icône en forme d’appareil photo en haut de l’écran.

Comme la vue est orthographique (sans perspective), l’échelle est préservée et apparaît en bas de l’écran.

Aspect d’un cliché correctement réalisé.

L’élève peut alors réaliser directement ses mesures sur le cliché, comme il le ferait sur une photographie. Il n’est pas nécessaire de définir l’échelle, cette opération est automatique.

Remarque n°1 : pour mesurer l’angle facial, qui permet d’évaluer le prognathisme du crâne, il est conseillé de tracer au préalable 2 droites, l’une partant de Po et passant par O (en la prolongeant un peu), et l’autre partant de Pr et passant par Na (idem).

Remarque n°2 : certains fossiles de crâne, trop incomplets ou endommagés, ne permettent pas de trouver le Bregma. En l’absence de Bregma, on demandera aux élèves de prendre le point situé au sommet du crâne, à peu près à la verticale du Porion.

Exemples de mesures réalisées sur un crâne.

Il peut se référer à la fiche technique (type ECE) de Mesurim2, aux tutoriels animés intégrés dans le logiciel (à gauche) ou à la capsule vidéo suivante (mesure du prognathisme, prochainement une version RGPD Acamédia sera fournie).

 

Mutualisation et construction du graphique

On propose aux élèves de rassembler leurs mesures d’angle facial et de hauteur crânienne dans une feuille de calcule partagée (on peut utiliser pour cela un service respectueux des données tel que Framacalc).

Après avoir réalisé une copie de ces données, chaque élève peut alors réaliser un graphique de type nuage de point (xy) avec par exemple en abscisse l’angle facial (ou si vous voulez le prognathisme) et en ordonnées la hauteur crânienne.

Si l’élève dispose d’un PC, il pourra utiliser Libre Office ou Excel. Sinon il devra utiliser des services en ligne (comme Framacalc), souvent plus limités.

CRCN :

  • la saisie de données dans un tableur rentre dans le cadre de référence des compétences numériques (CRCN), dans le domaine « Traiter des données« 
  • l’utilisation d’un service numérique pour partager et collaborer rentre dans le domaine « Communication et collaboration« 
Un exemple de graphique obtenu avec Excel. Titre : caractéristiques crâniennes de différents primates.

Un exemple de graphique obtenu avec Excel. Titre : caractéristiques crâniennes de différents primates.

 

Exploitation des résultats

Pour mettre en évidence les particularités crâniennes du genre Homo, on peut également demander à l’élève de délimiter sur le graphique le groupe correspondant au genre Homo, et pourquoi pas également celui correspondant aux Homininés (incluant donc le Bonobo, les Australopithèques etc.). Le Babouin joue le rôle « d’extragroupe ».

On constate alors que le genre Homo se distingue nettement des autres primates, par un angle facial élevé (et donc un faible prognathisme), proche de l’angle droit (« face droite ») et une hauteur crânienne également élevée, en relation avec un volume cérébral important.

Notons au passage que cette dernière activité justifie pleinement la place du Chimpanzé (ou Bonobo ici) au sein des homininés. Il faut savoir que cette inclusion a longtemps été un sujet polémique, que ce soit sur le plan scientifique ou idéologique, et amorcer une réflexion sur ce point en classe peut contribuer à forger l’esprit critique des élèves.

 

Un exemple concret de mise en œuvre dans un contexte d’enseignement hybride

Le contexte sanitaire récent nous a parfois contraint à faire classe avec une partie seulement des élèves face à nous, les autres étant chez eux.

Au mois de janvier la situation s’est présentée dans l’un de mes groupes de terminale, et, par le jeu des spécialités, je me suis retrouvé avec une classe dont plus de la moitié des élèves était en quarantaine. J’ai alors pris la décision de mener mon enseignement de manière hybride avec cette classe.

La situation que je vais décrire ici s’appuie sur une activité similaire à celle exposée dans cet article. Pour en faciliter la lecture, je vais faire comme si il s’agissait exactement de celle-ci. Je précise que la salle de cours n’était pas une salle de TP, mais une salle banalisée avec uniquement un ordinateur pour l’enseignant et un vidéoprojecteur.

Les élèves distants étaient prévenus que je mènerais cette séance de manière hybride. Je leur avais envoyé le lien vers la classe virtuelle du CNED via Pronote, en leur rappelant qu’ils devaient être présents devant leur écran ou devant la tablette fournie par la région à l’heure habituelle.

Les élèves en présentiel  étaient quant à eux avertis qu’ils devaient apporter leur tablette chargée le jour J.

A 8h du matin j’accueille donc en classe (réelle) les élèves qui n’étaient pas en quarantaine, tout en projetant au tableau mon écran afin que les élèves distants puissent saluer leurs camarades via le chat de « Classe virtuelle ». Je fais l’appel uniquement des élèves présents dans la salle. Une webcam permet aux élèves distants d’entendre ce que je dis aux élèves de la salle, et également de suivre ce que j’écris au tableau.

Ensuite j’introduis ma séance comme d’habitude, en assurant le lien avec ce qui avait été vu précédemment (les élèves distants m’écoutent via la webcam). Après avoir exposé aux élèves quelques fossiles d’homininés, je leur propose d’étudier de plus près quelques crânes afin de dégager ce qui rend caractéristique le genre Homo.

J’invite alors les élèves à ouvrir Mesurim2 sur leur tablette (via le navigateur, ou via l’application dédiée s’ils l’ont installée) et à charger le crâne qui leur avait été attribué (un tableau attribué à chaque élève un code à 4 lettres correspondant à un crâne).

Les élèves présents dans la salle, tout comme les élèves distants, réalisent alors sur la tablette leur travail de légende et de mesure, en s’appuyant sur le document de crâniométrie qui leur était fourni. Que ce soit à distance via le chat ou la webcam, ou dans la salle, j’aide les élèves en difficulté à réaliser cette opération. Une capsule vidéo décrivant la manipulation étape par étape était à la disposition des élèves distants.

Un quart d’heure plus tard, j’invite les élèves à mutualiser leurs mesures d’angle facial et de hauteur crânienne. J’ai laisser les élèves s’organiser entre eux, en leur demandant de me fournir une feuille de calcul en ligne (ils ont opté pour une feuille de calcul Google Sheets, avec leur compte Google éducation). L’avantage de cette méthode est qu’avec un simple lien partagé entre les élèves, tout le monde (sur tablette, sur PC …) a pu saisir ses valeurs.

Les élèves ont ensuite tracé le graphique (nuage de points), toujours en ligne, avec Google Sheets, et je leur ai demandé de délimiter, avec la méthode de leur choix, le genre Homo. Pour cela, la plupart ont fait une capture d’écran de leur graphique, et ont dessiné par dessus avec un logiciel de dessin. Certains ont dessiné et écrit sur le graphique directement avec Mesurim2.

La fin de l’heure fut consacrée à l’exploitation orale de ce graphique, et à la construction de la synthèse écrite (les caractéristiques du genre Homo). Un échange a également eu lieu quant à la place du Chimpanzé, dont les données crâniennes sont très proches de celles des Australopithèques. Ce fut l’occasion également de montrer des modèles de bassin, très différents par contre entre ces 2 groupes.

 

Autre possibilité de mise en œuvre en hybride asynchrone

Dans le cas où les élèves n’auraient pas de tablettes, ou tout simplement si les conditions matérielles ne vous permettent pas de mener cette activité en classe, vous pouvez opter pour un mode hybride asynchrone.

Il suffit de donner en travail maison aux élèves la tâche de mesurer la hauteur crânienne et l’angle facial d’un ou deux crânes (qu’il faudra leur attribuer via le code à 4 lettres). L’élève chez lui pourra faire l’activité sur l’ordinateur de ses parents, sur sa tablette, ou sur son téléphone si l’écran n’est pas trop petit.

De retour en classe, l’enseignant mutualisera les résultats de ses élèves (l’occasion de vérifier que le travail est fait), dans une feuille de calcul, et tracera en direct le nuage de points qui servira de document d’appui de la séance.

 

Liens et documents

Document utilisé pour repérer les points remarquables du crâne (à télécharger)

Article : manipuler des objets en 3D avec Mesurim2

Article expliquant comment aménager une salle d’exposition virtuelle

Sélection de 8 crânes exposés dans une salle virtuelle

 

 

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