Une autre façon de schématiser l’effet de serre

par Julien Cartier, professeur de SVT au lycée Carnot de Cannes

Cet article présente une schématisation de l’effet de serre, accessible aux élèves de collège comme de lycée, qui permet de simplifier l’explicitation du phénomène tout en insistant sur le piégeage de chaleur.

  1. Les schématisations les plus courantes

Il suffit de taper « schéma effet serre » dans un moteur de recherche internet pour observer un grand nombre de schématisations de ce phénomène. L’une des plus courantes ressemble à ceci :

Sur ce schéma le rayonnement solaire incident subit deux réflexions : la première au sommet de l’atmosphère ① et la seconde lorsqu’il atteint le sol ②. Le rayonnement infrarouge se trouve lui aussi partiellement réfléchi sur le sommet de l’atmosphère ③ et c’est cette réflexion qui représente ici le phénomène d’effet de serre.

Malheureusement, ce schéma est fondamentalement faux. Il ne s’agit pas seulement d’une imperfection liée à la simplification inhérente au processus de schématisation. Non, ici l’erreur réside dans la réduction de l’atmosphère à son sommet, sorte de couvercle sur lequel se réfléchissent à la fois le rayonnement solaire incident et le rayonnement infrarouge. Ce choix graphique s’explique aisément : l’effet de serre étant fréquemment comparé aux phénomènes responsables de la présence d’un air chaud dans une serre agricole, le « couvercle » transforme l’atmosphère terrestre en une sorte de gigantesque serre.

Or, cela pose plusieurs problèmes. Tout d’abord la localisation du phénomène d’effet de serre est inexacte puisque les gaz qui en sont responsables ne se trouvent pas au sommet de l’atmosphère. Ensuite,  les gaz en question n’étant pas représentés un élève pourrait en déduire que l’effet de serre résulte réellement d’une sorte de réflexion des infrarouges sur le sommet de l’atmosphère. Enfin,  cette image conforte involontairement une représentation initiale très commune : celle d’une couche d’ozone responsable de l’effet de serre*.

* La faute à un raisonnement en apparence logique : puisque la couche d’ozone protège contre les ultraviolets qui provoquent des coups de soleil et que la surface de la peau affectée par un coup de soleil est généralement  brûlante, on en déduit que la couche d’ozone arrête des rayonnements chauds (les ultraviolets étant alors confondus avec les infrarouges). Le trou dans la couche d’ozone d’origine anthropique laisserait donc passer ces rayons chauds ce qui expliquerait le réchauffement climatique. Bien évidemment ce raisonnement est inexact : d’une part les ultraviolets sont relativement peu calorifiques, et d’autre part le trou dans la couche d’ozone, outre son caractère saisonnier, surplombe l’une des régions terrestres qui se réchauffe le moins (sans compter que le trou en question est apparu bien après le début du réchauffement climatique).  

Une autre schématisation tout aussi courante échappe à ces ambigüités en figurant toute l’épaisseur de l’atmosphère, en attribuant la réflexion atmosphérique du rayonnement solaire aux nuages (ce qui n’est que partiellement exact, mais c’est le propre d’un schéma) et en situant la réflexion des infrarouges responsable de l’effet de serre à l’intérieur de l’atmosphère :

Le problème de ce schéma c’est qu’il n’est pas équilibré : la quantité cumulée de rayonnements (② + ③ + ④) émise dans l’espace n’est pas égale à la quantité d’énergie reçue par la Terre (①).La faute à la fraction de rayonnement infrarouge (⑤) renvoyé vers le sol par les gaz à effet de serre (GES) et qui manque à l’équilibre général.

En réalité, les infrarouges réémis par les GES réchauffent à leur tour la surface terrestre qui réagit en émettant de nouveau des infrarouges, de sorte qu’in fine le système se trouve bien à l’équilibre. Et c’est heureux parce qu’un objet qui reçoit davantage de chaleur qu’il n’en perd se réchauffe continuellement.

Voilà sans doute pourquoi on trouve fréquemment une troisième schématisation de l’effet de serre dans laquelle le rayonnement infrarouge réémis par les GES semble faire une série de ricochets à l’intérieur de l’atmosphère :

Le principe du phénomène est assez simple : chaque rayonnement infrarouge émis par la surface s’échappe en partie dans l’espace, tandis que l’autre partie se trouve réémise vers le sol par les GES. La fraction qui retourne sur la surface terrestre provoque un échauffement responsable d’une nouvelle émission d’infrarouges, d’une valeur inférieure à la précédente. La quantité d’infrarouges circulant dans l’atmosphère diminue ainsi progressivement jusqu’à devenir nulle.

Cependant, si le principe est simple, la schématisation pose quelques difficultés. Car pour être exact cette image doit respecter les différences de taille entre chaque flèche, la localisation précise des réflexions ou réémissions et bien sûr la distinction entre le rayonnement solaire et le rayonnement infrarouge. A priori cela n’a rien de très compliqué, mais la pratique révèle que de nombreux élèves peinent à reproduire correctement ce schéma. Sans compter ceux qui se demandent combien de fois le rayonnement infrarouge « rebondit » avant de s’annuler.

  1. Un peu de thermodynamique élémentaire

Pour commencer il convient de présenter quelques rappels de thermodynamique aux élèves. Des rappels qui pourront sembler triviaux, mais qui conditionnent  la bonne compréhension de la schématisation ultérieure.

Une planète A qui ne recevrait aucun rayonnement thermique et ne perdrait aucune quantité de chaleur, serait à l’équilibre thermique : sa température serait invariable et égale à la valeur du zéro absolu. Une planète B qui gagnerait de la chaleur sans en perdre verrait sa température augmenter en permanence, ce qui est bien évidemment impossible. Une planète C qui perdrait de la chaleur sans en gagner verrait elle sa température diminuer en permanence jusqu’à atteindre le zéro absolu. Enfin, une planète D qui perdrait autant de chaleur qu’elle n’en reçoit serait à l’équilibre thermique : sa température serait invariable et égale à une valeur déterminée par la quantité de chaleur reçue.

Par exemple, dans l’image ci-dessous, la planète E et la planète F sont toutes les deux à l’équilibre thermique : leur température ne varie pas. Mais, la température moyenne de surface de la planète E est supérieure à celle de la planète F parce que la première reçoit et réémet davantage de chaleur que la seconde.

Enfin, une planète G qui perdrait moins de chaleur qu’elle n’en reçoit subirait un réchauffement. Tandis qu’une planète F qui perdrait davantage de chaleur qu’elle n’en reçoit connaîtrait un refroidissement.

Bien évidemment, tout cela est extrêmement simplifié. On néglige par exemple les phénomènes de réflexion du rayonnement incident, le flux de chaleur interne de la planète ou encore les variations latitudinales et saisonnières de la température de surface.

Si l’on tient au moins compte de la réflexion d’une fraction du rayonnement solaire incident lorsqu’il parvient au sol, phénomène indispensable pour traiter ultérieurement la notion d’albédo, on obtient ceci :

La quantité d’énergie thermique absorbée par la surface, c’est-à-dire la part du rayonnement incident qui n’a pas été réfléchie, est égale à la quantité d’énergie thermique émise par cette même surface sous forme d’infrarouges. Par conséquent, la quantité d’énergie reçue par le système (le rayonnement incident) est égale à la quantité d’énergie perdue par ce même système en additionnant le rayonnement solaire réfléchi et le rayonnement infrarouge.

  1. Proposition d’une modélisation alternative

En supposant que la quantité d’énergie thermique dans le rayonnement solaire incident soit proportionnelle à la distance entre la planète et le Soleil, on devrait trouver approximativement la même température moyenne à la surface de la Terre et de la Lune puisque ces deux astres sont situés à la même distance du Soleil. Or, ce n’est pas le cas : la température moyenne à la surface de la Lune avoisine -20°C tandis que la température moyenne à la surface de la Terre est proche de +15°C.

De nombreuses différences pourraient expliquer cet écart de 35°C : le fort albédo de la Lune en raison de la blancheur de sa surface, le fort flux géothermique de la Terre du fait de sa plus grande taille, la présence d’une atmosphère autour du seul globe terrestre. Nous savons que c’est essentiellement ce dernier paramètre qui explique la différence entre les températures moyennes de surface de la Terre et de la Lune.

Remarquons tout d’abord que la présence d’une atmosphère ne change rien à l’équilibre thermique évoqué précédemment : la température moyenne à la surface de la Terre est certes supérieure à celle à la surface de la Lune, mais l’une comme l’autre sont invariables. Par conséquent, la Terre reçoit autant d’énergie thermique qu’elle n’en perd (si l’on néglige le flux géothermique).

Mais, l’atmosphère terrestre renferme des GES :

Et ces GES ont la propriété d’absorber et de réémettre une partie des infrarouges émis par la surface. Autrement dit – et l’expression est importante – les GES piègent dans l’atmosphère une certaine quantité d’infrarouges. Et comme les infrarouges représentent de la chaleur, on peut écrire que les GES piègent dans l’atmosphère une certaine quantité de chaleur.

Dans ce schéma les deux petites flèches rouges situées sur la droite (cercle en pointillés ci-dessous) représentent l’effet de serre. Elles correspondent à ces infrarouges constamment piégés dans l’atmosphère par les GES :

Le système terrestre reste bien à l’équilibre thermique puisque la surface continue de recevoir autant d’énergie thermique qu’elle n’en perd. Mais, dans cette situation, la surface terrestre reçoit bien davantage d’énergie thermique que la surface lunaire, ce qui explique l’écart entre les températures moyennes de surface des deux astres.

Cette schématisation présente de nombreux avantages :

  • elle est plus simple à réaliser que celles analysées dans la première partie de cet article elle illustre la notion d’équilibre thermique
  • elle individualise sur l’image le phénomène d’effet de serre
  • elle permet de faire comprendre que l’effet de serre piège une certaine quantité de chaleur dans l’atmosphère
  • elle fait apparaître les GES de manière à ne pas les confondre avec l’atmosphère dans son ensemble
  • elle se décline aisément afin de schématiser l’actuel réchauffement climatique. Il suffit pour cela de rajouter des GES dans l’atmosphère et d’épaissir les deux petites flèches rouges qui représentent l’effet de serre. Ainsi, une plus forte concentration atmosphérique en GES se traduit par une plus grande quantité de chaleur piégée dans l’atmosphère :

Comme toute schématisation, elle présente également des défauts, principalement :

  • l’absence de représentation de la réflexion du rayonnement solaire incident par les nuages ou les aérosols
  • un élève peut s’étonner que le rayonnement infrarouge représenté par la flèche rouge située en haut du globe ne subisse pas le phénomène d’absorption-émission lié aux GES
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