Mettre en évidence la suture ophiolitique sur la carte géologique de France au 1M

par Philippe Cosentino

Les nouveaux programmes de terminale mettent l’accent sur la dimension temporelle dans les sciences de la Terre.

On peut lire, dans le B.O. présentant ce programme, dans l’introduction du thème “A la recherche du passé géologique de notre planète”, ceci :

“Il importe de comprendre comment un objet géologique, quelles que soient ses dimensions, témoigne d’une histoire que l’on peut reconstituer par l’application de méthodes  chronologiques.”

Parmi ces objets géologiques qui “témoignent d’une histoire”, les ophiolites occupent une place de choix, et font partie des objectifs notionnels à traiter dans cette partie :

“Les ophiolites sont des roches de la lithosphère océanique. La présence de complexes ophiolitiques formant des sutures au sein des chaînes de montagnes témoigne de la fermeture de domaines océaniques, suivie de la collision de blocs continentaux par convergence de plaques lithosphériques.”

 

Une fois l’objet “ophiolite” traité (dans l’idéal lors d’une sortie sur le terrain) et son origine océanique établie, il est attendu, dans les objectifs de savoir-faire, que l’élève soit capable de :

“Recenser, extraire et organiser des données de terrain ou cartographiques pour argumenter (…) sur l’idée de suture (données cartographiques : par exemple, les Alpes ou l’Himalaya).”

 

Pour atteindre cet objectif et mettre en évidence cette “suture”, l’étude d’un affleurement unique (très souvent les ophiolites du Chenaillet) ne suffit pas, et il devient nécessaire de prendre du recul ; et le meilleur moyen d’avoir ce recul reste le recours à la carte géologique de France au 1 millionième.

Dans l’activité suivante,  je propose  de construire la notion de “suture ophiolitique” à partir de la lecture de cette carte, en utilisant l’application Tectoglob3D.

Place de l’activité

Cette activité est modeste par l’ambition de son objet et par son étendue temporelle, si bien qu’il sera possible de lui trouver une place dans bien des approches pédagogiques.

Dans le cas de ma classe, j’ai mis en oeuvre cette activité après avoir établi, en partant de l’étude de documents, l’origine océanique des ophiolites et le mécanisme à l’origine de leur mise en place.

Conditions matérielles de la mise en oeuvre

L’élève doit pouvoir utiliser l’application “Tectoglob3D”, que ce soit en ligne (pas de logiciel à télécharger ou à installer) ou hors-ligne.

Tectoglob3D peut être utilisé à partir d’un ordinateur/souris ou d’une tablette.

Pour information, lors du test de cette activité, les élèves ont utilisé uniquement leurs tablettes Android fournies par la région, sans aucune connexion internet (il leur avait été demandé d’installer l’application “Tectoglob3D” sur leur tablette avant la séance). L’activité a été réalisée en classe entière (27 élèves).

Déroulement de l’activité : première approche

Une fois l’origine océanique des ophiolites et le mécanisme de leur mise en place établi, on propose donc aux élèves, tout naturellement, de rechercher si d’autres affleurements ophiolitiques sont présents dans les Alpes, et de mettre en évidence leur distribution, afin de faire émerger la notion de “suture ophiolitique”.

L’objectif de la séance peut être énoncé ainsi :

Après avoir repéré et mis en évidence sur la carte géologique de France l’emplacement de tous les affleurements ophiolitiques alpins, justifier le terme de “suture ophiolitique”.

L’élève peut atteindre cet objectif de bien des façons (et je pense qu’il est important de lui laisser cette liberté), je décris ici la solution qui m’a paru la plus simple.

Tout d’abord l’élève lance Tectoglob3D, et affiche la carte géologique en allant dans le menu “Données affichées / Carte géologique / France métropolitaine (1M)”.

La carte géologique s’affiche alors, ainsi que sa légende, à droite.

Capture d’écran de Tectoglob3D

Les coordonnées des ophiolites du Chenaillet étant connues (latitude : 44.9°, longitude : 6.7°), il est dès lors très simple de localiser cet affleurement, en s’aidant des valeurs de longitudes et latitudes affichées en haut à droite de la carte.

Sur Tectoglob3D, les coordonnées correspondant au curseur sont affichées en haut à droite de la fenêtre

L’élève repère alors une zone où les lettres “oph” apparaissent sur fond vert.

Les ophiolites du Chenaillet telles qu’elles apparaissent dans Tectoglob3D, sur la carte au 1M

 

En consultant la légende, à droite de l’écran (il faut faire défiler un peu celle-ci), l’élève constatera alors que (comme il pouvait s’en douter) cette annotation correspond bien à la présence d’ophiolites en ce point de la carte.

Extrait de la légende concernant les ophiolites. Noter que pour les ophiolites varisques, le vert est plus sombre.

 

Pour “marquer” cet emplacement, l’élève peut passer par le menu “Action / Ajouter / Repère géographique”. En double cliquant (à la souris ou avec le doigt) à l’emplacement souhaité, il place un repère matérialisé par un disque blanc.

Une fois sélectionnée, l’action “Ajouter / Repère géographique” permet de placer des marqueurs (disque blanc) sur la carte d’un simple “double clic”

Maintenant que l’élève a intégré le mode de représentation des ophiolites sur la carte, il peut, en l’explorant, identifier d’autres affleurements ophiolitiques et les marquer de la même façon, en double-cliquant (il est inutile de retourner dans le menu “Actions” à chaque fois).

Chaque petit disque blanc marque l’emplacement d’une ophiolite (le Chenaillet en jaune)

Remarque : les ophiolites de Chamrousse, localisées à l’Ouest des Alpes, ne se sont pas mises en place durant le cycle orogénique alpin, mais durant le cycle orogènique varisque. A bien y regarder, on peut d’ailleurs remarquer que le vert est plus sombre que pour les ophiolites alpines.

 

Interprétation de cette distribution

On constate que les ophiolites sont réparties le long d’un arc situé entre les Alpes centrales/occidentales (à l’Ouest) et les Alpes méridionales et le bassin molassique du Pô (à l’Est).

Cette répartition résulte du mécanisme à l’origine des ophiolites : des lambeaux de lithosphère océanique obduite se retrouvent pris en “tenaille” entre les deux blocs continentaux lors de la fermeture de l’océan Alpin.

Cette ligne matérialise en quelque sorte la “suture” de cette fermeture, d’où son appellation.

 

Deuxième approche

On peut également partir du modèle suivant, et demander à l’élève de rechercher des indices dans la carte qui justifient ce modèle.

Proposition de scénario pour  la mise en place des ophiolites

 

La consigne pourrait être cette fois-ci la suivante :

En partant de l’exploitation de la carte géologique de France, justifier le scénario proposé pour la mise en place des ophiolites.

On précisera soit à la suite de cette consigne, soit dans une aide méthodologique nos attentes :

Commencer par repérer et marquer sur la carte géologique tous les affleurement ophiolitiques alpins.
Rechercher ensuite la nature de la relation géométrique que ces affleurements entretiennent avec les terrains qui les entourent.
Enfin, montrer en quoi cette répartition, et ces relations géométriques sont cohérents avec le scénario proposé.

Comme précédemment, la répartition des ophiolites, pris en tenaille entre les deux blocs continentaux, permettra à l’élève de justifier le terme “suture ophiolitique”.

Mais en étudiant également la nature des relations géométriques, l’élève pourra aller plus loin. En effet, en consultant la légende, l’élève pourra interpréter le figuré du trait qui délimite les ophiolites. La plupart du temps, ces dernières chevauchent, ou sont chevauchées par les terrains adjacents.

Ceci est cohérent avec le scénario proposé, dans lequel les ophiolites se retrouvent au sein d’un empilement de nappes de charriages ou de chevauchements.

Dans cet exemple, les ophiolites le figuré du trait délimitant des ophiolites permettent de dire qu’elels chevauchent les terrains adjacents.

 

Bilan

Cette activité est certes modeste, et au final peu d’aspects de la carte auront été utilisés (les âges notamment, n’ont pas été abordés). Mais elle aura eu le mérite de plonger les élèves dans l’étude d’une carte géologique, sans les intimider par une avalanche d’informations (la carte géologique au 1M est très riche en informations, ce qui la rend intimidante pour des élèves néophytes);

Si je compare les deux approches, la deuxième approche (testée sur un groupe restreint d’élèves) s’est avérée plus riche, mais plus complexe à mettre en oeuvre. Il m’a rapidement semblé nécessaire de détailler mes attentes, voire les étapes à mener pour atteindre l’objectif fixé, alors qu’avec la première approche (testée en classe entière), les élèves se sont immédiatement mis au travail, sans me demander davantage d’éclaircissements.

Malgré tout,  dans les deux cas, les élèves ont trouvé cette activité ludique, en particulier la recherche sur la carte (sur leur tablette) des différents affleurement ophiolitiques.

 

Post scriptum

Peu de temps après l’écriture de cet article, une carte géologique mondiale a été rajoutée à Tectoglob3D.

Figurées en vert foncé sur cette carte, les ophiolites ressortent nettement, et il est possible d’étudier ces sutures ophiolitiques à l’échelle mondiale. Il est également possible d’y repérer les principales ceintures orogéniques.

A noter : la quasi totalité des ophiolites représentées sur la carte correspondent au cycle orogénique alpin, mais on y trouve encore une fois l’ophiolite de Chamrousse qui est varisque.

Carte géologique mondiale sur Tectoglob3D.
En vert foncé, les ophiolites.

 

Liens

Programme de spécialité de terminale 

Application Tectoglob3D

Etudier la carte géologique de la France avec Tectoglob3D

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